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Belgique 50 000 à 60 000, l’Autriche-Hongrie 35 0000, l’Allemagne 600 000 à 700 000. Dans les deux premiers de ces pays, le gain en population vient non seulement de ce que les naissances sont plus nombreuses, mais aussi de ce que les décès y sont proportionnellement plus rares. En supposant que la Grande-Bretagne suive, pour la décroissance de la natalité, une marche sensiblement analogue à celle de la France à partir du début du règne de Louis-Philippe, vers 1835 ou 1836, il lui faudrait une soixantaine d’années pour parvenir à l’état stationnaire, si jamais elle y arrive complètement ; et il est probable que, auparavant, malgré l’émigration, elle arriverait à une population de plus de 50 millions d’habitans. Un temps encore plus long serait nécessaire à l’Allemagne qui pourrait bien arriver à entretenir 70 ou 75 millions d’habitans sur ses 540 000 kilomètres carrés. Quant à la Russie, sa pénétration par l’ensemble des sentimens démocratiques qui constituent la civilisation occidentale s’opérera, sans doute, avec infiniment plus de lenteur ; mais il n’est pas douteux que, dès le prochain siècle, ces influences ne commencent à agir et à y réduire un peu la natalité. On ne peut souscrire à la conclusion de l’étude de M. le marquis de Nadaillac : « Au 28 janvier 1897, la population (de l’Empire russe) était de 129 211 115 individus ; en 1851, lors du neuvième recensement, elle n’était que de 67380645. L’accroissement annuel est de 14 pour 1 000. S’il se maintient à ce chiffre, et il n’est aucune raison pour qu’il ne se maintienne pas, dans un siècle la population de la Russie sera de 800 millions d’âmes. » On peut, sans aucune témérité, affirmer que ce résultat merveilleux ne se produira pas ; outre que le recensement, dont les chiffres viennent d’être publiés, est le premier qui ait été fait avec méthode dans l’Empire russe et que le taux d’accroissement pour le passé est difficile à déterminer, outre que les territoires ont été modifiés et ne sont plus exactement comparables, il est certain que, au fur et à mesure de la diminution des terres disponibles et de l’accroissement de la densité de population, le taux de la natalité russe diminuera, mais, pour n’être pas de 800 millions d’âmes dans un siècle, la population de l’empire russe a des chances de devenir formidable dans l’intervalle, et d’atteindre, par exemple, 250 à 300 millions d’âmes.

Tout le passé démontre l’erreur des calculs qui reposent sur le maintien indéfini du taux d’accroissement de la population que l’on constate dans les pays ou dans les époques très prolifiques.