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part, la mortalité est faible (21,2 seulement pour 1 000 contre 23,4, taux moyen de la mortalité dans l’Empire), témoigne bien de l’influence de la conception démocratique de la vie et de la famille sur la fécondité des unions[1].

Un des procédés par lesquels la civilisation démocratique tend à diminuer la natalité, c’est le retard dans les mariages et l’âge plus avancé des époux, notamment des femmes. M. Bodio a fourni à ce sujet des statistiques très intéressantes : en France, de 1874 à 1890, il y a eu un léger recul de l’âge du mariage pour les hommes : le nombre proportionnel des époux hommes contractant mariage au-dessous de vingt-cinq ans, qui représentait 25,98 pour 100 du chiffre total des mariés à la première date, n’en formait plus que 25,52 à la dernière. La différence n’est pas très sensible, sans doute, mais elle n’est pas négligeable. On en retrouve une analogue, un peu plus forte pour les femmes ; en 1874 et 1875, 20,32 pour 100 des épouses avaient moins de vingt ans ; en 1890, il ne s’en trouve plus que 19,55 pour 100. La France est depuis longtemps un pays où l’âge du mariage est tardif, aussi ne peut-il le devenir davantage qu’avec lenteur. En Angleterre, pays autrefois de mariages précoces, le recul du mariage s’est beaucoup plus accentué depuis vingt ans : en 1874, dans l’Angleterre proprement dite et le pays de Galles, 5552 hommes, soit 3,71 pour 100 du nombre des mariés de l’année, n’avaient pas vingt ans et 72 653 avaient de vingt à vingt-cinq ans, ce qui faisait que plus de 52 pour 100 des mariés, sensiblement plus de la moitié, avaient moins de vingt-cinq ans ; en 1892, la proportion des hommes se mariant au-dessous de vingt ans ou au-dessous de vingt-cinq n’est plus que de 1,93 et 44,02 respectivement du chiffre total des hommes mariés dans l’année ; la différence ici est extrêmement forte. Elle ne l’est pas moins en ce qui concerne les femmes : en 1874, la proportion des épouses ayant moins de dix-huit ans, de vingt ans, ou de vingt-cinq ans, était respectivement de 1,55, 15,54 et 64,14 du chiffre total des femmes mariées dans l’année ; en 1892, ces proportions respectives tombent à 0,69, 10,22 et 59,15 du chiffre total ; c’est là aussi un recul considérable. La Prusse elle-même manifeste ce phénomène : en 1874, sur 224 621 mariages, on comptait 31 936 épouses au-dessous de vingt ans ; on n’en relève plus que 21 786, un tiers

  1. Ces chiffres sont tirés du Statistisches Jahrbuch für das deutsche Reich, 1897 p. 25.