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réduction de la natalité, surtout dans les pays anglo-saxons, peut-être aussi dans les contrées Scandinaves ; ce que l’on appelle le féminisme est et se montrera de plus en plus un adversaire redoutable de la fécondité.

Les circonstances économiques ont cessé d’être, dans les pays civilisés, surtout dans les contrées industrielles, aussi favorables qu’autrefois aux nombreuses familles. Il ne s’agit pas ici des impôts ou de la conscription, mais d’un phénomène de tout autre nature. Les enfans étaient autrefois rémunérateurs dès l’âge de 7 à 8 ans ; à l’heure présente, ils constituent une charge. L’école obligatoire et les lois sur les fabriques doivent compter parmi les facteurs qui ont le plus contribué à modifier le taux de la natalité depuis 25 ou 30 ans. A l’encontre de cette opinion, on invoquera peut-être la natalité allemande, qui s’est à peu près soutenue ; mais, outre que le taux de la natalité germanique s’atténue, cependant, un peu depuis une quinzaine d’années, il faut tenir compte de ce que l’Allemagne est venue plus tard que la France, l’Angleterre, la Belgique, la Suisse, à la conception démocratique sociale et familiale. La population y est plus récemment émancipée des lois qui limitaient les mariages ou les soumettaient à certaines conditions, qui restreignaient la liberté du domicile et aussi celle des professions. Il faut enfin distinguer entre les diverses provinces de l’Allemagne, comme nous le ferons tout à l’heure.

Les grandes causes de la réduction de la natalité, c’est, d’une part l’affaiblissement des croyances religieuses et c’est, de l’autre, la conception démocratique nouvelle de la société et de la famille. Les provinces les plus prolifiques sont celles qui ont conservé le plus de fidélité aux anciennes croyances : la Bretagne et les cantons flamands de notre département du Nord en France. Un libre penseur aussi déterminé que M. Nitti reconnaît l’action du sentiment religieux sur la natalité : « L’influence de la religion sur la natalité est non moins évidente, écrit-il, et rentre dans la catégorie large et complexe des influences psychiques et morales. Le but de toutes les religions est de diriger l’âme vers une fin lointaine, de salut individuel… La religion entraîne, d’autre part, la croyance à une intervention providentielle et pousse les races à la fécondité[1]. » L’auteur italien renvoie, pour

  1. Nitti, La Population et le Système social.