Page:Revue des Deux Mondes - 1897 - tome 143.djvu/868

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

successivement à 29, 28 et 27 pour 1 000 sous le règne de Louis-Philippe, ce qui est encore l’équivalent de la natalité actuelle suisse ou belge ; elle a décru de nouveau entre 26 et 27 pour 1 000 sous le second empire, s’abaissant à 25, 5 en 1870 ; elle remonta légèrement, après la guerre, dans les années 1872 à 1876, un peu au-dessus de 26 pour 1 000, ce qui s’explique par tous les vides qu’il y avait alors à combler et par les unions ajournées dans le second semestre de 1870 et en 1871 ; puis graduellement elle tomba jusqu’à 21, 9 par 1 000 habitans en 1890 ; elle se releva de quelques fractions insignifiantes dans les années suivantes, atteignant 23, 1 pour 1 000 en 1893 et retombant à 22, 3 en 1894. Le chiffre des naissances dans la période quinquennale 1890 à 1894 n’équivaut pas tout à fait à celui des décès : on a constaté, en effet, dans l’ensemble de ces cinq années, 4 312 000 décès en France contre 4 300 000 naissances ; l’écart tient à la fois à une mortalité très forte pour les années 1890 à 1893, celle de 1894 ayant été beaucoup moindre, et à une natalité très faible, la plus faible qui se rencontre parmi les nations civilisées.

Cette situation, tout au moins stationnaire, sinon nettement décroissante, de la population en France, eût singulièrement étonné Malthus, car il s’appuyait précisément sur notre pays pour établir l’exactitude de sa thèse.

Dans des passages curieux de son livre il représentait une France qui, au point de vue démographique, formait un complet contraste avec la France contemporaine. « De tout temps, en France, écrivait-il, le nombre des hommes en âge militaire a été petit en proportion de la population. » Aujourd’hui, ils forment au contraire, chez nous, une proportion plus forte qu’ailleurs du nombre des habitans. Il ajoutait une remarque, infiniment curieuse, parce qu’elle est le contre-pied des observations actuelles : « De tout temps en France, écrivait Malthus, il y a eu beaucoup de petites fermes et de petits propriétaires. Cet état de choses n’est pas très favorable à l’accroissement du produit net, ou à la richesse nationale disponible ; mais quelquefois il augmente le produit brut, et il a toujours une forte tendance à encourager la population[1]. » Certes, l’expérience prolongée a démenti cette conclusion de Malthus ; bien loin que le grand nombre de petites fermes (au sens anglais du mot qui veut dire propriété) et de

  1. Essai sur le principe de la population, édition Guillaumin, 1845, p. 216 et 220.