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péninsule, en retard de plus d’un siècle sur la Toscane ou la Lombardie, deviendrait enfin praticable et habitable. Tout était à faire : c’est justice de proclamer que beaucoup est déjà fait.

En 1860, Naples, capitale du royaume, était bien reliée aux chefs-lieux des provinces par des routes royales ; mais dès que l’on voulait s’écarter des centres, il fallait se confier aux sentiers frayés par les sandales des paysans ou aux tratturi tracés par les sabots des bestiaux. Le premier soin des nouveaux maîtres de l’Italie méridionale fut d’ouvrir en tous sens des voies carrossables, sans souci des obstacles naturels. Chaque année, l’Etat impose aux provinces et aux communes d’en construire de nouvelles ; et j’ai eu la surprise, en prenant pour guide en ces dernières années la carte publiée par l’état-major en 1889, de rencontrer des routes excellentes, là où la feuille m’indiquait un chemin muletier. Si vous demandez votre route à un paysan, presque chaque fois il vous en indiquera deux : la via vecchia, la plus courte pour lui ; la via miova, la meilleure pour vous.

On a le droit d’être surpris le jour où l’on apprend que le premier chemin de fer construit en Italie fut commencé, dès 1837, sur l’ordre d’un Bourbon de Naples, et que l’une des premières stations où s’arrêta une locomotive fut Pompéi. Mais, après le roi qui, par fantaisie, inaugura la ligne de Naples à Castellamare et à Nocera dei Pagani, ses successeurs, par incurie, se bornèrent à laisser établir dans la suite une voie nouvelle entre Naples et Capoue. On sait qu’aujourd’hui les deux compagnies principales qui exploitent les chemins de fer italiens, le réseau de l’Adriatique et le réseau de la Méditerranée, ont poussé leurs lignes le long des côtes jusqu’à Gallipoli et jusqu’à Reggio ; une voie suit la mer Ionienne de Tarente au détroit de Messine, et on lit sur les deux gares les plus importantes de ce long parcours les noms de Métaponte et de Sybaris. Des lignes transversales coupent les Abruzzes et la Basilicate. On travaille à une voie qui monte par des pentes rapides jusqu’à plus de mille mètres d’altitude et qui bientôt rejoindra directement Sulmona à Naples, par-dessus les montagnes. Enfin, dans le courant du mois passé, le 18 septembre 1897, on vient d’inaugurer le tronçon qui unit Melfi à Potenza, en coupant la région du Vulture, le pays redoutable qui servait autrefois de quartier général au fameux bandit Donato Crocco, et que la diligence traversait, il y a peu d’années, avec une escorte de carabiniers. Si, pour appuyer ces notes, on