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représentait cette part d’utopie dont toute œuvre a besoin pour fermenter et pour se féconder ; il ne fut point réalisé par l’œuvre elle-même. Mais sous cette forme un peu paradoxale, Wichern exprimait cette vérité, que chacun ici-bas a des qualités et des dons, qui peuvent être exploités pour l’utilité commune, et que la collaboration de chaque fidèle, dans la place où Dieu l’a mis, à l’œuvre de la Mission Intérieure, serait la réalisation par excellence du sacerdoce universel.

« Journal mensuel pour la Mission Intérieure, y compris la diaconie, la diaspora, l’éducation, l’évangélisation et l’ensemble de la bienfaisance » : ainsi s’intitule le principal organe de la Mission Intérieure ; et cet énoncé marque l’étendue du programme et la diversité des ambitions. La Mission Intérieure répand des Bibles, elle colporte des tracts, elle fait circuler des ouvrages religieux. Afin de conserver intacte, au cœur des régions catholiques, la minorité protestante, elle veille à l’entretien d’institutions spéciales où les enfans destinés à la confirmation reçoivent un enseignement suffisant. Elle désigne des prédicateurs et elle leur associe des laïques pour catéchiser les enfans, chaque dimanche, dans des services religieux spéciaux. Elle multiplie et développe des œuvres de préservation, d’un caractère tout à la fois religieux et social : — associations de jeunes gens, dont les unes (Jünglingsvereine) visent à peu près exclusivement à la sauvegarde morale de leurs 450 000 adhérens, et dont les autres (Christliche Vereine für junge Männer) sont comme des essaims de missionnaires improvisés et confient à leurs jeunes membres, à titre d’occupation, certaines besognes apostoliques ; — associations de jeunes filles (Jungfrauenvereine) ; — auberges hospitalières (Herbergen zur Heimat), qui ménagent à la fatigue physique un gîte peu coûteux, et qui proposent à la conscience de leurs hôtes, grâce aux disciplines chrétiennes qu’on y met en vigueur, des haltes d’édification ; — asiles de jeunes filles en quête de places (Marthahof) ; — crèches, écoles enfantines, orphelinats. Les œuvres rédemptrices, aussi, font escorte aux œuvres protectrices : il en est qui recueillent l’enfance vicieuse et délaissée ; d’autres s’occupent des prisonniers libérés ; la Croix bleue combat l’ivrognerie, et la Croix blanche la prostitution.

Il n’est peut-être aucunes latitudes chrétiennes où tous ces besoins et toutes ces misères n’aient inspiré des dévouemens : la Mission Intérieure ne prétend point à l’initiative de leur