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moindre nuance de respect, dès que l’État commence à desserrer ses liens avec elle.

« L’indifférence s’étend ; le détachement augmente ; l’hostilité commence » : c’est en ces termes que M. Gebhardt définit l’attitude des paysans de Thuringe à l’égard de l’Église. Cette définition pourrait convenir pour l’ensemble du bloc protestant de l’Allemagne du Nord. Comment organiser avec de tels élémens l’action chrétienne des communautés, telle que la rêveraient les réformateurs contemporains des Églises évangéliques ? Dès le début, du reste, une difficulté presque insoluble surgit : cette communauté tant souhaitée, dont tous les membres auraient un rôle religieux et social, comprendrait-elle tous les habitans protestons de la paroisse ; ou, si l’on voulait faire un tri, de quel crible se servirait-on ? Le tri s’imposerait, mais comment discerner l’ivraie du bon grain ? Très peu de pasteurs évangéliques oseraient taxer de mauvais chrétien le fidèle qui s’abstient de la Pâque. Et tout bien considéré, il n’y a qu’un acte qui puisse être strictement exigé de tous les membres de la communauté, et dont l’omission non justifiée entraîne la radiation de l’Eglise : c’est le paiement de l’impôt pour le culte, dans les communautés qui prélèvent sur les fidèles un tel impôt. « Quiconque satisfait à cette obligation, reste jusqu’à sa mort membre de la communauté, lors même que, depuis sa confirmation ou son mariage, il n’aurait pris aucune part au service divin, et lors même qu’il se serait trop tenu à l’écart dans les collectes volontaires faites au profit de l’Église. » C’est M. Hans Gallwitz, le surintendant évangélique de Sigmaringen, qui fait cette observation dans sa très remarquable brochure : Une sainte Eglise universelle. Ainsi dans une Eglise qui voulut opposer au christianisme de la Lettre le christianisme de l’esprit, les ministres n’ont d’autre moyen légal, pour apprécier l’appartenance de chaque fidèle à la communauté, que de parcourir les livres du percepteur ; et M. Gallwitz, rappelant qu’à l’inverse de l’Église romaine, l’Église évangélique se glorifie d’être faite tout entière de pierres vivantes, note avec une vraie douleur le contraste entre la splendeur altière des ambitions et le misérable terre à terre de la pratique courante. Il réclame avec angoisse un droit de contrainte religieuse (Kirchenzucht) qui permette, si l’on ose ainsi dire, une « . épuration » de la communauté. M. Adolphe Stœcker partage cet émoi : brutalement, il définit la communauté paroissiale « la réunion des payeurs d’impôt »,