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Mais, cette fois encore, l’Europe pouvait-elle procéder autrement ? Puis qu’on ne faisait pas à la Turquie une cession de territoire, il fallait bien lui donner de l’argent, et comment trouver de l’argent pour la Grèce ? La mauvaise administration de ses finances dans le passé a dissipé la confiance que les capitaux européens ont pu, dans d’autres momens, avoir en elle. Le sort de ses créanciers n’est pas enviable, depuis quelques années surtout. De là l’obligation du contrôle. On peut même se demander si cette mesure sera suffisante ; bien plus, on y est obligé, puisque lord Salisbury en doute. Il a fait des ouvertures à la Russie et à la France pour savoir si elles consentiraient, conjointement avec l’Angleterre, à donner leur garantie à l’emprunt que la Grèce était sur le point de contracter. Ainsi la garantie de trois puissances, et non des moindres, soit au point de vue politique, soit au point de vue financier, paraissait indispensable au premier ministre de la Reine comme supplément au contrôle, pour assurer la réalisation de l’emprunt futur. Nous ne savons pas ce que la Russie et la France lui ont répondu : il semble, au surplus, que toute réponse définitive aurait été prématurée. Le pessimisme du gouvernement britannique est peut-être fondé ; mais qui pourrait le dire avec certitude ? Qui pourrait se porter fort de connaître exactement, dès aujourd’hui, les ressources de la Grèce et de les déclarer suffisantes ou insuffisantes pour faire face à une charge nouvelle ? Lord Salisbury n’a pas sur ce point plus de lumières qu’un autre, et sa proposition a eu l’inconvénient de prolonger les négociations sans aucune utilité. Ce sera à la commission internationale prévue par l’article des préliminaires visé plus haut, qu’il appartiendra de résoudre la question. Si une garantie des puissances est alors jugée nécessaire, il sera temps d’aviser. Mais il suffit que lord Salisbury ait pensé qu’il faudrait ajouter une garantie de plus à celle qui résulte déjà de l’établissement du contrôle pour montrer que celui-ci est inévitable, et qu’il constitue même, dans les mesures à prendre, une espèce de minimum.

La Grèce ne doit avoir aujourd’hui d’autre préoccupation dominante que d’assurer, dans le plus bref délai possible, l’évacuation de la Thessalie. Il n’y a plus, pour cela, un moment à perdre. La saison s’avance ; nous voici en automne ; si les malheureux Thessaliens qui ont émigré pour échapper à l’invasion de l’armée ottomane ne rentrent pas immédiatement dans leurs foyers, il sera ensuite trop tard pour labourer et pour ensemencer leurs champs. Ils ont perdu la récolte de l’année courante ; celle de l’année prochaine sera compromise à son tour, et un double fléau les aura frappés. Les puissances, et la France