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résumant en elle toute la vie religieuse de cet État, et conviant enfin le chef de l’État à être son tuteur, pourvu qu’il fût en même temps son défenseur, il la faut saluer comme une défunte : les résidus qui s’en sont perpétués apparaissent aujourd’hui comme surannés. On a pu récemment sentir, à la Chambre wurtembergeoise, la faillite de ce système d’antan : il s’agissait de fixer à l’avance le régime auquel serait soumise l’Eglise évangélique de Wurtemberg, si la branche catholique de la maison régnante était un jour installée sur le trône ; et certains avocats de cette Eglise, dans les interminables débats qui d’ailleurs n’ont pas encore abouti, ont vu leurs revendications se briser contre la conception même de l’État moderne.

Il est de l’essence de l’État moderne, d’être foncièrement inapte à diriger une Eglise : de là l’embarras où languissent aujourd’hui les établissemens religieux, issus de la Réforme. L’histoire a des ironies bien instructives : dans beaucoup d’États de l’Allemagne actuelle, l’Eglise catholique, avec ses maximes qui limitent et restreignent les droits du pouvoir civil, semble aménagée d’une façon moins précaire, plus confortable, que les Eglises évangéliques ; celles-ci, pourtant, ne portent point ombrage à l’État, et leur éducation même les incline à la docilité ; mais l’État qui les avait construites, et en vue duquel elles s’étaient laissé construire, est un État qui ne reviendra plus. Quoi qu’elle fasse, la Landeskirche protestante demeurera toujours une Église d’ancien régime : gênée par les parcelles d’autonomie qu’on lui accorde, et plus timide encore pour en réclamer un surcroît, elle est comme désorientée dans un État vraiment neutre. Pour aborder cette mêlée d’opinions et de croyances, de plus en plus ardente, de plus en plus confuse, où les diverses confessions ne doivent compter que sur leur force de persuasion et sur leur vitalité naturelle, on dirait que les Eglises évangéliques d’Allemagne se jugent insuffisamment armées. La voix de M. le professeur Beyschlag, de Halle, se fait fréquemment entendre pour conjurer le royaume de Prusse de reprendre son caractère d’État protestant ; et chaque année, dans les congrès de la Ligue évangélique (Evangelischer Bund), c’est en redisant bien haut que l’Empire allemand est et doit être un empire protestant que les divers orateurs se réconfortent et se rassurent mutuellement.

Si les Églises protestantes d’Allemagne, comme le déplorait un jour M. Beyschlag, n’ont pas encore trouvé de constitution qui