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population de 8 000 à 9 000 âmes. Très industrieux, ils excellent dans la construction des canots qu’ils manient avec une rare adresse. Ils tissent leurs couvertures et leurs étoffes, et font preuve de remarquables aptitudes industrielles.

La pêche et les fourrures constituent les principales ressources de ces populations. Une exploitation trop hâtive faillit tarir ces sources de richesse ; la race du phoque à fourrure fut sur le point de disparaître en 1868 dans les îles Pribilof, mais les mesures prises par la compagnie américaine, fermière de l’archipel, prévinrent une destruction complète et repeuplèrent ces îlots où l’on compte déjà plus de cinq millions de phoques, dont 150 000 sont abattus chaque année. Les lions de mer hantent surtout les parages de l’île Saint-Pierre. Doux et timides, faciles à capturer, leur chair est préférable à celle du phoque, mais leur fourrure est peu appréciée. Bien autrement recherchée est celle de la loutre ; elle varie de prix selon la taille et la qualité, de 300 francs jusqu’à 2 000 et plus. Les loutres abondaient autrefois dans les îles Pribilof, mais les hauts prix obtenus provoquèrent une extermination systématique. On en tua jusqu’à 5 000 par an. Itaranof, gouverneur russe de l’Alaska, rapporta 15 000 peaux de loutre, d’une valeur de cinq millions. Les loutres ont émigré vers les côtes des îles de Saanach. C’est là que les chasseurs les traquent, avec d’infinies précautions, s’abstenant, même par les plus grands froids, d’allumer du feu pour se réchauffer ou cuire leurs alimens, de peur de révéler par un indice quelconque leur présence à ces craintifs animaux. Grâce aux mesures prises depuis l’annexion de l’Alaska, et à l’interdiction de la chasse en certaines saisons, le nombre des loutres s’accroît annuellement et l’on exporte déjà de 6 000 à 7 000 peaux à l’année.

Les agglomérations urbaines n’existent encore qu’à l’état embryonnaire dans ce territoire de l’Alaska dont la superficie, triple de celle de la France, ne renferme pas la population d’une de nos villes de troisième ordre. Les centres qu’indiquent les cartes au long des côtes sont des établissemens de pêcheurs, des postes commerciaux et, dans l’intérieur des terres, des stations d’entrepôts de fourrures. De même que la colonisation romaine procédait en Europe et en Afrique par des camps de légions, par des forts militaires situés aux points stratégiques importans et dont beaucoup sont devenus de grandes villes, de même la colonisation américaine procède par des forts commerciaux établis aux points