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Ce dessein primitif[1] a été profondément modifié au cours de la campagne. Au reste, il ne s’agit point en ces notes de faire une étude de stratégie militaire, mais de regarder agir le soldat turc, de voir l’extérieur des choses, la physionomie des hommes. Mais peut-être était-il nécessaire de poser des points de départ et de rappeler en quelques mots l’origine de cette guerre.


3 mai. — Nous passons à cheval à travers le col de Melouna. La route n’est qu’un sentier de mules, qu’on a élargi comme on a pu, en pratiquant quelques courbes nouvelles et en adoucissant les pentes. Dans son état actuel, elle ne vaut pas encore le plus mauvais des petits raidillons qui grimpent au Mont-Valérien. Cependant les Turcs y ont passé avec leur artillerie de montagne, et ce sera, pendant toute la guerre, leur seule voie de ravitaillement. En ce moment même, ils y traînent onze grosses pièces de position prises à Tyrnavos. Les chevaux éreintés s’arrêtent, refusant de mener plus loin les lourdes masses, les Turcs d’escorte s’accrochent aux roues, aux affûts, aux courroies et aux chaînes, les canons s’ébranlent, dressent leurs gueules tremblotantes, pareils à des bêtes qui vont crier, — et le convoi de butin guerrier reprend enfin sa route vers les villes macédoniennes.

Alors, à mesure que nous avançons, ce premier champ de bataille se déroule devant nous. La chaîne de montagnes qui sert de frontière entre la Thessalie et la Macédoine est un contrefort de l’Olympe. Atteignant d’abord une hauteur de 1 200 mètres, elle redescend ensuite, et se fixe à une hauteur moyenne de 800 mètres, formant un arc de cercle autour de Larissa. Au milieu de l’arc de cercle, une ébréchure : c’est le col de Melouna, par où passe le chemin dont l’armée victorieuse avait à s’emparer, et qui mène à Larissa par Tyrnavos. Sur ses bords, quelques masures — pas même des hameaux — Tzaritsani et Ligara ; vers la plaine thessalienne, à droite en venant d’Elassona, un éperon constitué par la haute colline du Kritiri, qui domino Tyrnavos ; et derrière cette colline, un autre chemin qui suit la haute vallée du Xeraghis, affluent du Pénée. Cet autre itinéraire est marqué par deux autres hameaux, Malagusta et Damasi. C’étaient là les positions des Grecs. Les Turcs occupaient en arrière un haut sommet : le Monek-Tépé, la montagne couleur de violette.

  1. Voir Revue militaire de l’étranger, juin 1897.