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métairie Ethnique qui a entraîné le gouvernement apparaît clairement.

L’Hétairie, société soi-disant secrète, a été créée sous sa forme actuelle pour faire équilibre au comité bulgare qui, après la mort de Stamboulof, voulait révolutionner la Macédoine : un an plus tard, les Jeux olympiques lui permettaient d’étendre considérablement son influence et d’accroître son champ d’action. Nous n’avons vu dans ces jeux qu’une fête internationale de gymnastique, et nous avons eu tort : toutes les communautés grecques de Turquie y envoyèrent des délégués, les chefs de métairie y trouvèrent un congrès insurrectionnel tout fait. Un plan sortit des délibérations : délivrer la Macédoine, en la soulevant et en forçant ensuite le gouvernement à appuyer ce soulèvement.

On croyait l’Hétairie très forte ; le mystère dont elle s’entourait séduisait les foules, empochait les observateurs sérieux de se rendre compte du véritable état de ses forces. Peu de temps après les Jeux olympiques, l’insurrection Cretoise commençait, et, profitant de la distraction des pouvoirs publics, dont l’attention se tournait vers les événemens de l’île, la société envoya de petits groupes armés sur la frontière de Macédoine. Il lui fallait d’ailleurs employer les fonds qu’elle avait reçus, — deux millions environ. Les trois quarts de la population grecque donnaient de oO leptas à 3 drachmes par mois ; quelques personnes versèrent d’un coup 100 000 drachmes. Les Grecs d’Egypte donnèrent un million, apporté par le directeur de la banque anglo-égyptienne, qui tint à assister lui-même à la formation des corps francs de Thessalie, et les entretint pendant un mois. Le malheur, c’est qu’après avoir acheté les fusils et le matériel de guerre, on n’arriva qu’à ce misérable résultat de jeter en Thessalie 3 618 irréguliers, et à Arta, pour l’invasion de l’Epire, 600 seulement.

Cependant, le gouvernement craignait la société, qui avait eu sur l’année la plus déplorable influence. 1 800 officiers étaient inscrits sur ses registres, et, au mois de novembre 1895, une petite insurrection militaire avait eu lieu. Ainsi on eut deux gouvernemens : l’un légal et impuissant, l’autre tout-puissant et secret ; et l’Hétairie, si elle ne pouvait arriver par elle-même à envahir la Macédoine, comptait bien alors renverser le cabinet, et peut-être le roi. Celui-ci, pour conserver sa popularité, publia, lors des grandes manœuvres de Thèbes, un de ces manifestes que les journaux bien pensans qualifient d’énergique ; puis les massacres de Crète furent l’occasion de