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la nappe verdâtre d’une immense piscine. L’onde est rendue translucide par les flots de lumière que reflète le dallage blanc et vernissé du fond, de sorte que les nageurs, visibles tout en tiers, semblent flotter agiles et sans poids apparent sur un nuage d’émeraude. Parfois la couleur du dallage est variée afin que cette eau puisse prendre toutes les nuances de l’arc-en-ciel. Elle est toujours à une température en harmonie avec la saison. C’est de l’eau de mer amenée par le dernier flux de l’Atlantique. Mais comment l’avoir à ce niveau ? Quelle question ! Elle s’apporte elle-même ! Ce serait dommage si la force qui élève de sept pieds le niveau du port de Boston ne pouvait être contrainte, en un temps d’incessantes découvertes, à monter un peu plus haut encore. Toutes les applications de la lumière, de la chaleur et de la force sont désormais sans limites et ne coûtent rien. On a maîtrisé la nature, et c’est là en vérité ce qui nous étonne le moins. Les contemporains des prodiges de l’électricité étaient préparés à l’apprendre : le plus fort semblait déjà fait.

Pour revenir aux bains de mer en chambre, l’un des traits marqués de la civilisation du XXe siècle est un retour au caractère d’amphibie qui devait caractériser nos lointains ancêtres. Et, à propos d’ancêtres, fait observer le docteur Loete, qu’est-ce qui prouve qu’à l’origine la femme n’était pas tout aussi vigoureuse que l’homme ? Seulement une sélection s’est opérée : aux temps où l’union de l’homme et de la femme préhistoriques était affaire de combat, les femmes les plus fortes ont dû mépriser et négliger les hommes faibles, tandis que les mâles en général avaient tout intérêt à capturer de faibles créatures pour en faire des esclaves dociles. Il s’en est suivi que les femmes robustes et les hommes débiles ont laissé peu de postérité, les types qui se sont perpétués étant sortis des plus forts d’entre les hommes et des plus frêles d’entre les femmes. Les conséquences, on les connaît ; elles se sont manifestées jusqu’au jour où la grande révolution réorganisa la société sur des bases morales dont la première était la liberté et la dignité égales de tous les êtres humains.

— Pourvu, fait observer Julian West, que la femme, devenue sur tous les points l’égale de l’homme, n’abuse pas à son tour de sa supériorité !

— Oh ! si elle détenait le pouvoir irresponsable, je ne me fierais pas plus à elle qu’à l’homme, répond son interlocuteur ; mais il n’y a rien à craindre, parce que la race entière s’élève très