Page:Revue des Deux Mondes - 1897 - tome 143.djvu/574

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

obliger à marcher avec nous. S’il avait dépassé ses instructions, en acceptant en principe le retrait simultané de Madrid des quatre légations et préparé un projet d’instructions pour M. de La Garde, tout en réservant l’approbation du roi, il n’en avait pas moins fait insérer dans le traité secret, signé le 18 novembre à Vérone, des clauses qui obligeaient les puissances à nous prêter leur appui dans certains cas déterminés et qui nous donnaient un blanc-seing éventuel. M. de Metternich espérait, sans doute, que ces cas ne se présenteraient pas. Mais la France était autorisée à s’en prévaloir, pour réclamer, au besoin, l’assistance morale ou même matérielle des cabinets alliés, au lieu de la subir, comme on l’a fort injustement prétendu.

Il n’y en avait pas moins là un malentendu qui pouvait avoir d’assez graves conséquences. M. de Villèle en fut très mécontent et, sans attendre le retour de M. de Montmorency, parti pour Paris le 22 novembre, il écrivit à M. de Caraman, chargé de la correspondance officielle avec le ministère, comme le plus ancien des ambassadeurs demeurés à Vérone, pour lui ordonner de dire aux puissances alliées que la France se réservait d’agir séparément dans la question de l’envoi des notes à Madrid et qu’elle voulait rappeler son ministre, ou l’y maintenir, suivant les circonstances. M. de Metternich affecta de prendre en douceur cette communication, mais il agit immédiatement sur l’empereur Alexandre par un billet qu’il lui écrivit, où il l’engageait de nouveau à se défier de la France. L’empereur montra le billet à M. de La Ferronnays, qui eut assez de peine à le calmer. Il fut répondu à la note de M. de Villèle que si, dans un délai de huit jours, la France n’avait point rédigé sa dépêche collective, l’alliance agirait de son côté et enverrait séparément ses notes à Madrid. Cette résolution adoptée, les souverains quittèrent Vérone le 13 décembre 1822 et le Congrès fut dissous.

Cet incident devait amener la démission de M. de Montmorency et l’arrivée de Chateaubriand au ministère. C’est là que nous le suivrons, après avoir donné quelques détails encore inédits sur la crise qui l’amena au pouvoir.


GABRIAC.