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vis-à-vis des autres, — il voyait, dans l’accomplissement de cette tâche, une grande pensée à la fois monarchique et nationale.

Quant à M. de Montmorency, sans avoir modifié ses impressions premières qui lui faisaient également désirer la guerre, il s’était assez sensiblement écarté, dans l’espoir d’amener toutes les puissances à une action commune, des instructions que lui avait adressées M. de Villèle. Les instructions portaient en toutes lettres les paragraphes suivans :

« Les plénipotentiaires de Sa Majesté doivent surtout éviter de se présenter au Congrès comme rapporteurs des affaires d’Espagne. Les autres puissances peuvent les connaître aussi bien que nous, puisque, comme nous, elles ont conservé leurs ministres et leurs agens consulaires en Espagne. Mais la situation de notre pays ne nous met dans la nécessité, ni de demander, comme l’Autriche à Laybach, l’appui pour envahir, puisque nous ne sommes pas dans la nécessité de déclarer la guerre, ni des secours pour la faire, puisque, si l’Espagne nous la déclare, nous n’avons pas besoin de secours et nous ne pourrions même en admettre, s’il devait en résulter le passage de troupes étrangères sur notre territoire. L’opinion de nos plénipotentiaires, sur la question de savoir ce qu’il convient de faire au Congrès relativement à l’Espagne, sera que la France étant la seule puissance qui doive agir au besoin par ses troupes, elle sera seule juge de cette nécessité. Les plénipotentiaires français ne devront donc pas consentir à ce que le Congrès prescrive la conduite de la France à l’égard de l’Espagne. »

C’était le contraire de ce que voulait M. de Metternich, qui désirait avant tout que la France n’agît pas par elle-même et qu’elle liât son action à celle des autres puissances. Aussi tout son travail avait-il consisté, vis-à-vis de l’empereur Alexandre et de M. de Montmorency, à leur démontrer la nécessité d’une action collective. Il y parvint, en convainquant notre plénipotentiaire que l’empereur Alexandre considérerait une action isolée de la France comme une rupture de l’alliance, et le fait est qu’à ce moment, l’empereur était dans un tel état d’excitation, par suite des mauvaises nouvelles qu’il recevait d’Espagne, que l’on pouvait s’attendre à quelque éclat de sa part, si la France avait voulu agir séparément.

Mais M. de Montmorency n’entendait pas du tout nous lier les mains en réunissant son action à celle des puissances. Sa pensée était plus patriotique et plus haute. Il voulait, au contraire, les