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n’y fût pas présent de son côté, bien que le roi George IV ne se rendît pas au Congrès ; mais il avait quitté Londres, et Chateaubriand n’aurait même pas eu, pour y rester, la fiction de la représentation diplomatique. C’était presque l’obliger à donner sa démission.

A défaut d’autres, il y avait donc là une raison très suffisante pour justifier cette nomination. Aussi, dans un conseil des ministres, il fut décidé « que M. de Montmorency serait envoyé à Vienne pour arrêter, comme nous l’avons déjà vu plus haut, les préliminaires du Congrès, et Chateaubriand, désigné pour assister à Vérone, de concert avec MM. de La Ferronnays et de Caraman, à la conclusion des affaires et à la rédaction des actes qui auraient été préparés à Vienne. » (Mémoires de M. de Villèle, tome III.)

Chateaubriand arriva le 16 octobre à Vérone, porteur des instructions de M. de Villèle pour M. de Montmorency, qui demeurait son chef officiel, puisqu’il restait titulaire du ministère des Affaires étrangères, dont M. de Villèle n’avait que l’intérim avec la Présidence du conseil, que le roi venait de lui donner. Mais il était clair que les dissidences d’opinions, qui existaient sur la question de la guerre, entre le chef du cabinet français et M. de Montmorency, amèneraient tôt ou tard entre eux un conflit. Chateaubriand le comprit, et, sans pouvoir dire qu’il eût dès lors un plan arrêté, il se mit tout de suite sur la réserve vis-à-vis de tout le monde, attendant les événemens. Il avait affecté une grande indépendance envers tous ses collègues. Tandis que MM. de Montmorency, de Caraman et de La Ferronnays dînaient tous ensemble, eux et leurs légations, Chateaubriand vivait à part ; il avait envoyé devant lui, pour lui préparer sa maison, le marquis de Boissy, qui devait se rendre plus tard célèbre à la Chambre des pairs par ses démêlés avec le chancelier Pasquier. Il était également accompagné du duc de Rauzan, qu’il s’attacha plus tard, pendant son ministère, comme directeur politique et qui fut nommé ministre à Lisbonne après M. Hyde de Neuville.

Les souvenirs de mon père, auquel il témoigna beaucoup de bienveillance et qui venait d’accompagner M. de La Ferronnays, son chef, à Vérone, nous représentent Chateaubriand sous le jour que je viens d’indiquer. D’une première lettre du 16 octobre 1822, que j’ai sous les yeux, j’extrais le passage suivant : « Nous avons ici depuis hier M. de Chateaubriand. Je me suis fait présenter à lui. Il a une grande simplicité de manières, mais qui, je crois,