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tranquillité réelle tant que les révolutionnaires d’Espagne et les nôtres, unis de vues et d’intérêts, ne cesseront de guetter le moment le plus favorable pour engager les hostilités. Les difficultés, quelque grandes qu’elles paraissent, ne s’aplaniront-elles pas, lorsque nous appellerons à nous, pour me servir de vos propres expressions, tout ce qui existe entre l’écume et la lie, c’est-à-dire toute le partie agissante de la nation ; lorsque nous présenterons des garanties incontestables fondées sur la parole et le caractère de Louis XVIII et sur les assurances de ses alliés ? Cette question, au surplus, ne peut être vidée que par le congrès qui va s’ouvrir. »

Ce projet de dépêche, malgré sa réserve apparente, indiquait l’intention formelle de terminer la question espagnole par la guerre. M. de Montmorency, au moment de son départ pour se rendre au Congrès, ordonna que cette dépêche fût expédiée à notre ministre à Madrid. Quand on l’apporta pour la signature à M. de Villèle, chargé par intérim du portefeuille des Affaires étrangères, il fit mettre en tête de la lettre : Projet de dépêche non agréé. Elle fut remplacée le lendemain par une autre beaucoup moins significative, et qui est de M. de Villèle[1] :


« Paris, le 6 septembre 1822.

« Dans une telle position et avec tous les intérêts, toutes les passions qui s’agitent à Madrid, comment le ministre de France n’y ressentirait-il pas les conséquences de la fausse position dans laquelle nous nous sommes nous-mêmes mis ? Pour en sortir, la meilleure des voies était sans doute l’accord avec le ministère de M. de Martinez de la Rosa ; nous l’avons vivement désiré ; vous y avez employé tous vos moyens. Nos espérances ont été trompées. Occupons-nous de traverser, avec le moins de dommages possible pour les deux pays respectifs et les deux monarques, les crises politiques auxquelles de si grands intérêts restent exposés.

« Nous ne retirerons point nos troupes de la frontière. Nous les renforcerons même, car dans la situation respective des deux pays, notre armée doit être toujours prête à agir. Mais nous ne nous porterons point à le faire hostilement vis-à-vis de l’Espagne, qu’autant que nous y serons contraints, ou par l’honneur de la

  1. Cette dépêche de M. de Villèle est également inédite. Je l’extrais, comme la précédente, du volume de la Correspondance d’Espagne déposé dans nos Archives.