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Naples et de Turin. L’objet principal du futur congrès sera donc l’Espagne et la recherche des moyens d’y éteindre l’incendie qui menace l’Europe entière. Membre de la grande alliance, la France ne peut rompre ce pacte uniquement pour défendre la révolution espagnole dans l’état où elle se trouve et avec les craintes qu’elle inspire. Quels que soient nos désirs, quelques efforts que nous puissions faire pour empêcher qu’une armée alliée ne traverse la France, ce dont nous sentons mieux que personne les inconvéniens, je dirai même les dangers, ce que nous sommes résolus d’éviter à tout prix, nous ne pouvons y réussir qu’en nous chargeant seuls d’une opération dont nous connaissons aussi toutes les difficultés. Elles seraient bien moindres, si le pouvoir restant entre les mains des constitutionnels sages, les chefs de ce parti voulaient s’entendre avec nous. L’intérêt de la patrie l’exige ; le leur propre le commande impérieusement ; car, sans un accord préalable, l’épée une fois tirée, nous ne serons plus les seuls maîtres des conditions, et le parti des royalistes espagnols, appuyé par toutes nos forces, pourrait se livrer à des rigueurs que nous ne serons plus à même de modérer… »

Dans une seconde dépêche, écrite le 14 août, M. de Montmorency insistait sur les mêmes considérations. Il enjoignait en outre à M. de La Garde de ne plus faire aucune avance au roi, qui avait reçu de notre ministre de deux à trois millions, « à moins, lui disait-il, que vous n’ayez la plus parfaite conviction qu’une pareille somme serait indispensable à la liberté du roi ou à celle de sa famille. » Enfin, le 5 septembre, deux jours avant le départ de M. de Montmorency pour Vienne, le ministre des Affaires étrangères examinait, dans une troisième dépêche qu’il comptait adresser à M. de La Garde, les différentes positions que pouvait prendre la France dans la question espagnole[1]. A propos de l’éventualité d’une guerre ouverte, on lisait ce qui suit :

« Je pense qu’une guerre entreprise pour des vues de conquête serait une véritable absurdité, et je reconnais comme vous toutes les difficultés que peut présenter la guerre contre l’Espagne, lors même que cette guerre serait dirigée par des principes fort différens. Mais une première question se présente : Pourrons-nous l’éviter ? Ne serons-nous pas condamnés à la faire plus tard et avec plus de désavantage ? Jamais nous n’aurons de

  1. Correspondance d’Espagne (Archives des Affaires étrangères). Ces trois dépêches sont inédites.