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LE DÉSASTRE


TROISIÈME PARTIE[1]


I

Un rais de soleil filtrait sous la porte. Dans le couloir frais de la petite maison bourgeoise, une odeur, linge humide et conserves, s’exhalait des armoires. Du Breuil, mal éveillé d’un court sommeil, répondait à peine aux salutations de ses hôtes. C’étaient de vieilles gens, un M. et une Mme Poiret, des commerçant de la ville, retirés depuis des années dans ce village de Moulins, aux portes de Metz. L’angoisse rendait leur voix criarde, faisait trembler leurs mains. Ils contemplèrent le visage altéré, les vêtemens poudreux de cet officier qui venait de dormir une nuit sous leur toit, de cet inconnu de passage que jamais sans doute ils ne reverraient, puis avec tristesse ils détournèrent les yeux. Qu’est-ce que demain leur réservait ? Quels tracas, quel deuil ? Et tous deux songeaient à leur pauvre vie bouleversée, à l’invasion imminente. À toute seconde ils regardaient du côté de la fenêtre, prêtaient l’oreille.

Un immense bruit continu montait de la route. Du Breuil, encore assourdi du tumulte de la veille, écoutait avec inquiétude cette rumeur confuse. C’était un bourdonnement lointain, avec des cris, des jurons, des appels. La porte ouverte, il demeura

  1. Voyez la Revue des 1er et 15 septembre.