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et lui. Encore l’idée de ce partage, à son tour, lui paraît-elle trop pénible ; et c’est lui-même qui, au dénouement, épouse Marie.

Dans la Paix de Dieu, un poète, chassé de Copenhague par son dégoût du monde, rencontre à la campagne une belle et noble jeune fille qui s’éprend de lui. Elle lui propose de devenir sa femme : il y consent, et le mariage est sur le point d’être célébré lorsque la jeune fille meurt, tuée par le mouvement brusque des ailes d’un moulin à vent. Le poète l’enterre, et s’en retourne à Copenhague pour y reprendre sa vie d’autrefois.

Enfin la Première Année à l’Université est un roman par lettres. Nous y voyons comment, en quelques mois, le séjour d’une grande ville change l’âme d’un jeune homme, l’affranchissant d’une foule de scrupules et de préjugés. De la fin d’août aux premiers jours de décembre, l’étudiant Emile Holm trouve le moyen de se brouiller avec sa famille, de rompre avec une jeune fille qui l’aime et avec qui il s’est secrètement fiancé, de séduire et d’abandonner une autre jeune fille, de faire d’innombrables dettes, de perdre jusqu’aux moindres vestiges de son ancienne foi religieuse, et de quitter l’Université pour devenir journaliste, après avoir vendu à M. Peter Nansen toutes les lettres qu’il a reçues de ses parens, de ses amis, et de ses maîtresses, durant ces quelques mois si excellemment employés.


Tels sont, en résumé, les sujets des cinq romans de M. Nansen. Ils n’ont, comme l’on voit, rien de très nouveau, et il n’y en a pas un seul qu’on ne se souvienne d’avoir déjà rencontré autre part. Mais surtout ils n’ont rien de très relevé, ni, pour ainsi parler, de particulièrement « Scandinave ». En vain on y chercherait l’ombre d’un symbole ou d’une thèse, ou même d’une observation un peu générale. Ce sont de simples épisodes de la vie amoureuse ; et à l’exception de la petite idylle provinciale de la Paix de Dieu qui fait songer à Graziella et à certains romans de M. Loti, on les dirait sortis directement de l’œuvre de nos naturalistes d’il y a quinze ans, ou des premiers auteurs du Théâtre-Libre.

Peut-être, après cela, M. Nansen répondra-t-il qu’il ne connaît aucun de ces écrivains, n’ayant jamais lu que son compatriote le philosophe Kirkegaard, ce mystérieux Kirkegaard, dont les œuvres auraient été, suivant M. Georges Brandes, l’unique lecture de M. Ibsen. Mais alors, c’est qu’on n’a pas besoin de connaître de belles œuvres pour en subir l’influence, car rien ne ressemble autant aux sujets des romans de M. Nansen que ceux de quelques nouvelles de Maupassant,