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de se lier de part et d’autre, il cherchera de son mieux à parer aux propositions de l’Espagne et à rendre encore plus étroite l’alliance déjà signée. Le 2 juillet, nouvelle missive de Rubens au comte-duc, pour réclamer de nouveau et avec plus d’insistance le départ immédiat d’un ambassadeur espagnol, l’Angleterre s’engageant de son côté à l’envoi simultané d’un plénipotentiaire chargé de conclure. Mais pas plus à Londres qu’à Madrid on ne semblait disposé aux promptes déterminations demandées par Rubens. L’arrivée de l’ambassadeur de France, Châteauneuf (15 juillet), avait encore ajouté aux hésitations de Charles 1er, qui paraissait uniquement préoccupé de faire patienter l’artiste. Mais celui-ci, sans se contenter de la vague assurance des bonnes dispositions de Charles Ier, réclama et obtint enfin de lui une note écrite par laquelle, bien à regret, le roi s’engageait « sur sa foi royale » à ne faire, pendant la durée du traité qui serait conclu, aucune ligue avec la France au préjudice de l’Espagne. Entre temps, Rubens donnait à Olivarès des détails intéressans sur la cour d’Angleterre. « Le roi, écrivait-il le 22 juillet, est très amoureux de la reine, sa femme, et celle-ci a un grand ascendant sur son mari. » Quant aux seigneurs de leur entourage, « le train qu’ils mènent est magnifique et tout à fait dispendieux ; ils tiennent table ouverte, montrent en tout une prodigalité extrême, à laquelle beaucoup d’entre eux ne peuvent suffire, qu’en trafiquant, argent comptant, des affaires publiques et privées. » Il ajoute que le cardinal de Richelieu, connaissant cette situation, se fait à Londres beaucoup de partisans par ses libéralités, et que son émissaire Furston est chargé d’offrir au grand trésorier une somme considérable, s’il veut entrer dans les vues du ministre français.

On comprend qu’en présence des lenteurs et des indécisions qui lui étaient opposées, le peintre diplomate ait senti plus d’une fois la patience lui échapper. Il n’était pas l’homme des situations ambiguës, et toutes les duplicités qu’il rencontrait sur son chemin étaient bien faites pour l’écœurer. Peut-être, lassé de ces tergiversations, s’était-il un moment avancé plus que n’aurait voulu Olivarès et celui-ci lui aurait-il laissé entendre un peu vivement dans une de ses lettres qu’il avait outrepassé ses instructions. Toujours est-il qu’en lui répondant, Rubens, fort de sa conscience et de son honnêteté, « supplie qu’on le laisse retourner à Anvers ; non qu’il ne préfère toujours à ses intérêts le service de Sa