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hésitante cherchait, par une politique d’atermoiement, à se faire, payer le plus cher possible son concours. Autour des gros joueurs, le fretin des petits États s’agitait, allait de l’un à l’autre, et tour à tour la République de Venise, le duc de Lorraine, le duc de Savoie et le comte Palatin proposaient leurs combinaisons, chacun voulant tirer son épingle du jeu. De toutes ces intrigues enchevêtrées résultait une situation d’autant plus embrouillée que, les choses changeant de face à chaque instant, les ambassadeurs des divers États intéressés n’osaient s’avancer trop loin de peur de dépasser leurs pouvoirs, et se voyaient à tout moment, en présence de situations imprévues, obligés de demander des instructions nouvelles. D’autre part, les communications avec l’Angleterre, — soumises non seulement à l’état de la mer, mais aux difficultés résultant des hostilités pendantes entre les diverses nations, — entraînaient forcément de longs retards, et il arrivait bien souvent que ces instructions attendues, lorsqu’elles parvenaient aux négociateurs, ne répondaient plus aux circonstances qui les avaient provoquées. Malgré la hâte qu’il avait mise à son voyage, Rubens devait l’éprouver lui-même, car, en exposant à Charles Ier l’objet de la mission spéciale dont il était chargé, il apprenait de lui que, lassé des longs retards que lui avait opposés l’Espagne, il avait conclu le 24 avril un traité d’alliance avec la France. Ce n’était point-là cependant, au dire du roi lui-même, un motif suffisant pour rompre les négociations projetées, et, tout en faisant sur certains points ses réserves, notamment au sujet de la suspension d’armes proposée par Philippe IV, il engageait Rubens à s’aboucher avec ses ministres pour aviser aux suites qu’il conviendrait de donner à sa mission, Celui-ci, d’ailleurs, n’était pas pris au dépourvu, car, de son côté, il était en mesure d’annoncer à Charles Ier que le roi d’Espagne avait, lui aussi, entre les mains un projet de traité avec la France et qu’au cas où l’Angleterre persisterait dans ses dispositions, cette alliance deviendrait une réalité. Les lettres de créance de Rubens ayant été remises à sir Francis Cottington et au grand trésorier Richard Weston, le roi leur adjoignit lord Pembroke pour conférer avec lui.

Comme à Madrid, l’envoyé de Philippe IV rencontrait à Londres les défiances de l’ambassadeur de la république de Venise, étroitement liée avec la France. Voyant d’un mauvais œil la venue de Rubens, Alvise Contarini le dépeint dans ses dépêches « comme un homme ambitieux et avide ; ce qui donne à penser