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qu’il l’eût désiré. Les regrets de celui-ci n’avaient pas été moins vifs à l’annonce de cette déconvenue et dans une lettre à Pierre Dupuy (2 juin 1629) il lui apprend sa déception et se sent « tout mortifié en se voyant frustré de l’espérance qu’il avait conçue de voir chez lui Rubens et de le gouverner quelques jours pour y apprendre mille bonnes choses qu’il se promettait de pouvoir apprendre de lui, en lui exposant ses petites curiosités. » A Paris, où il arrivait le 10 mai, Rubens descendait chez l’ambassadeur de Flandre ; mais contrairement à ce qu’en dit M. Gachard[1], qu’il était reparti le lendemain soir pour Bruxelles, il avait dû faire à Paris un petit séjour qui s’explique assez par l’obligation où il était de mettre le baron de Vicq au courant de la situation et de se renseigner lui-même sur les dispositions actuelles de la cour de France. Il désirait d’ailleurs voir en place ses tableaux de la galerie de Médicis et surtout être fixé au sujet de la commande, toujours pendante, des tableaux à exécuter pour la galerie d’Henri IV. Il avait donc visité l’abbé de Saint-Ambroise, ainsi que quelques-uns de ses amis et dans une lettre écrite à Peiresc, le 18 mai 1629, Pierre Dupuy lui parle « du peu de séjour que fait M. Rubens à Paris, où il a vu le palais de la reine mère (le Luxembourg) avec tout son ameublement, et me dit n’avoir rien vu de si magnifique en la cour d’Espagne. La chambre où est son lit, qui est renfermée dans un grand pavillon, ressemble à ces lieux enchantés décrits dans les Amadis ; il n’y a que M. de Balzac, avec ses hyperboles, capable d’en faire la description. » Rubens avait aussi vu, pendant ce petit séjour, plusieurs portraits faits par un de ses compatriotes, le peintre Adrien de Vries, auquel s’intéressait Pierre Dupuy et, sur la prière de ce dernier, il lui avait promis de le recommander par écrit à l’abbé de Saint-Ambroise dont, à cette date, il venait de prendre congé, non sans lui confier le soin de ses intérêts pour la décoration de la galerie d’Henri IV[2]. Après quoi, l’artiste gagnait Bruxelles où il avait à rendre compte à l’Infante du résultat de sa mission et des circonstances nouvelles qui exigeaient son prompt départ pour l’Angleterre. L’absence de Rubens s’était prolongée bien au-delà de ses prévisions et les huit mois qu’elle avait duré, bien qu’il eût cherché

  1. Histoire diplomatique de P.-P. Rubens, p. 119.
  2. Cette précaution, nous l’avons vu, n’était pas inutile, car quelques jours avant, le 22 avril 1629, le cardinal de Richelieu, sans doute très au courant des menées de Rubens, avait essayé de le supplanter en proposant à la reine mère le Joséphin pour l’exécution de cette commande.