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services qu’il avait déjà rendus à la couronne venaient de lui valoir le titre de marquis de Leganès. Il devait, de plus, aussitôt après son retour à Madrid, épouser la fille de Spinola, et pendant son séjour à Bruxelles son futur beau-père ne pouvait que confirmer dans son esprit l’opportunité de la politique préconisée par Rubens, qui n’avait jamais agi que d’après les instructions de Spinola. L’artiste avait, du reste, des raisons personnelles de s’entendre avec don Diego qui, grand amateur de curiosités et d’objets d’art, avait réuni dans son palais de Madrid une très riche collection de meubles en marqueterie, de pièces d’horlogerie, d’armes de prix et de peintures des maîtres les plus renommés. Dans le post-scriptum d’une lettre qu’il écrivait à Dupuy, le 9 décembre 1627, Rubens lui annonce qu’au premier jour il commencera le portrait de don Diego, qu’il tient « pour un des plus fins connaisseurs qu’il y eût au monde. » Ce portrait qui, au dire de Mois, était autrefois dans la famille de Leganès, se trouve-t-il encore chez un de ses descendais ? Nous l’ignorons ; mais, suivant toute vraisemblance, il n’avait pas été entièrement exécuté d’après nature. Rubens, ainsi qu’il l’a fait plusieurs fois, s’était probablement servi, pour le finir, du beau et vivant croquis aux trois crayons qui appartient à la collection de l’Albertine, croquis d’une sûreté magistrale et qui représente Diego presque de face, le regard assuré, les moustaches aux crocs fièrement retroussés, l’air impassible et un peu hautain. Avec ces hommes d’État ou ces diplomates dont les momens étaient comptés, et qui ne pouvaient accorder au peintre que de courtes séances, force était bien de procéder d’une manière expéditive, et nous sommes certains qu’un autre portrait, celui de Spinola, exécuté à cette époque même par Rubens, avait été également terminé en l’absence du modèle. Dans une lettre qu’il écrit le 13 janvier 1628 à Dupuy, l’artiste lui dit, en effet, que ce portrait « est assez avancé et qu’il sera bientôt fini ; mais qu’en hiver les couleurs séchant difficilement, il faut beaucoup de temps pour venir à bout d’une peinture. » Or depuis le 3 janvier précédent, Spinola était parti de Bruxelles pour l’Espagne avec don Diego Messia. Animés tous deux des dispositions les plus bienveillantes à l’égard de Rubens, ils devaient plaider chaudement sa cause à Madrid auprès de Philippe IV et d’Olivarès, et témoigner du cas qu’il fallait faire de son intelligence et de sa loyauté.

Rubens, d’ailleurs, n’avait rien négligé lui-même pour se