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chasser le 9 décembre. Leur séjour y avait été marqué de massacres, d’extorsions, d’excès de toutes sortes. Au bout de quelques jours de cette délivrance, les Romains regrettèrent le joug français. Si la république ne tenait point toutes ses promesses, les républicains, au moins, apportaient quelque nouveauté dans la guerre : c’était, avec moins de haine pour l’ennemi, plus de pitié pour les pauvres gens ; une bonne humeur, un bon cœur des soldats qui adoucissait les exigences des chefs ; un rayon d’espérance, quelques paroles de liberté jetées sur l’avenir, l’annonce d’un lendemain qui donnerait autre chose que le recommencement éternel des mêmes rigueurs, sans autres motifs que la vengeance, l’avidité des nouveaux vainqueurs. La république romaine vota 5 millions de récompense aux Français. La populace, déchaînée par les Napolitains, fut de nouveau refrénée, et Championnet, laissant Macdonald à Rome, poussa devant lui Mack et son armée, la baïonnette dans les reins. Cette armée n’était plus qu’une bande de fugitifs. Avec ses 15 à 18 000 hommes, tout au plus, Championnet s’était trouvé partout supérieur en nombre. « Pendant cette campagne, rapporte Thiébault, Championnet tua ou blessa à l’ennemi plus de 12 000 des siens, enleva près de 4 000 chevaux ou mulets, 100 pièces de canon, 21 drapeaux et frappa de terreur tout ce qui lui échappa. » L’Italie tremblait d’étonnement autant que de peur. Etait-ce un nouveau Bonaparte qui se révélait au monde ? Il ne fallait pas laisser aux Italiens le temps de se remettre, aux Autrichiens le temps d’arriver. Championnet marcha sur Naples. Il entreprit cette campagne, « la plus étonnante peut-être de celles de la Révolution », aventure prodigieuse, en sa lumière éblouissante et sanglante, avec son mélange d’héroïsme et de libertinage, de spoliations et de générosité, de férocité et de grandeur.

A Naples, la reine s’exaspérait dans la honte et dans l’effroi. Elle invective l’armée lâche, vendue, qui n’a su que s’enfuir. Il va falloir brûler une partie de la flotte, l’orgueil de la couronne, si on ne veut pas qu’elle tombe aux mains des Français, et serve peut-être à ramener en Europe les soldats de Bonaparte. « La noblesse fait de longues mines et ne se remue pas, écrit Marie-Caroline à sa fille, l’Impératrice. Les employés se cachent. Les officiers sont des fuyards infâmes. Le petit peuple est encore ce qu’il y a de moins mauvais. Si nous sommes sauvés, si nous n’avons pas à éprouver un second Varennes, nous le devons au brave