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ministre d’Allemagne conduisant sa voiture effleura de son fouet deux étudians qui, par bravade, ne s’étaient point dérangés ; il dut leur écrire une lettre d’excuses, et, malgré cela, la presse se déchaîna contre lui et réclama à grands cris son renvoi[1].

Les intérêts français dans le sud de la Chine sont, toutes proportions gardées, analogues à ceux de la Russie dans le nord. Notre diplomatie, intimement unie à celle du tsar, a su obtenir du Tsong-li-yamen (20 juin 1895) des avantages moins importans sans doute, mais de même nature, et contrecarrer avec succès les efforts de l’Angleterre. Une mission française a été chargée de réorganiser l’arsenal de Fou-Tcheou ; le Fils du Ciel a concédé à la compagnie Fives-Lille l’autorisation de prolonger la ligne ferrée tonkinoise Phu-Lang-Tuong-Langson jusqu’à Lang-Tcheou dans le Kouang-Si, à 70 kilomètres de la frontière : de là, il sera facile de la continuer jusqu’à Vuchou-fou, de même que l’on pourra mener jusqu’à Yunnan-fou la ligne qui d’Hanoï doit remonter le Fleuve-Rouge. Par une convention toute récente (20 juin 1897), notre ministre en Chine, M. Gérard, vient d’en obtenir l’autorisation. Nous attirerons ainsi dans nos ports du Tonkin une partie des marchandises qui transitent actuellement par Canton ou Hong-Kong, c’est-à-dire par voies anglaises. Le Yunnan et le Kouang-Si sont deux provinces très riches ; tous nos efforts doivent tendre à en accaparer le commerce ; déjà nous avons obtenu la création d’un consulat nouveau à Mong-tse dans le Yunnan ; la mission lyonnaise a visité ces régions et cherché les moyens de nous en assurer la fructueuse exploitation. C’est à initiative des négocians français de profiter des succès de notre diplomatie.

Nos nationaux ont à redouter dans la Chine du sud la concurrence britannique. Les agens anglais s’efforcent d’obtenir l’ouverture du Si-Kiang au commerce européen (c’est-à-dire anglais) et la concession d’un chemin de fer de Calcutta à Canton par le Yunnan ; cette nouvelle voie commerciale ferait à nos chemins de fer du Tonkin, prolongés à travers le Yunnan et le Kouang-Si, et même au Transchinois et au Transsibérien, une redoutable concurrence. Mais les Chinois n’ont pas oublié la désinvolture avec laquelle les Anglais les ont abandonnés pour se tourner vers les Japonais vainqueurs. Aussi, jusqu’à présent les Anglais

  1. Les Allemands, d’ailleurs, ne cachent pas leur antipathie pour le Japon. La brochure de M. von Urandt : Die Zukunft Ostasiens, est fort instructive à cet égard.