Page:Revue des Deux Mondes - 1897 - tome 143.djvu/358

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’avenir une immense importance stratégique : elle s’ouvre directement sur la mer de Chine, en face de l’extrémité sud de la Corée, de Quelpaert et de Kiu-Siu, au croisement de toutes les grandes routes maritimes de ces parages si fréquentés ; elle est la Bizerte des mers orientales.

Kiao-Tcheou et Port-Arthur seront les deux bases solides de la puissance russe en Chine. Port-Arthur sera relié directement par voie ferrée à la Sibérie et à Saint-Pétersbourg. Le traité russo-chinois, en effet, modifie profondément et complète les projets de chemins de fer déjà à demi réalisés par la Russie. Le gouvernement du tsar est autorisé à relier directement à travers la Mandchourie Nertchinsk à Vladivostok par Tsitsikar. Le nouveau tracé sera de 550 kilomètres plus court que l’ancien projet par la vallée de l’Amour ; au lieu de 90 000 roubles par verste, il n’en coûtera que 50 000. Il traversera des régions fertiles, populeuses, qui lui assureront un transit considérable. Les statuts du nouveau chemin de fer, dit « chemin de fer de l’est-chinois », sanctionnés par le tsar le 16 décembre 1896, sont entrés en vigueur le 16 février 1897 ; les travaux ont dû commencer le 16 août 1897 et devront être terminés en cinq ans ; déjà une commission d’ingénieurs russes et français et de fonctionnaires chinois étudie le futur tracé. La nouvelle banque russo-chinoise, dirigée par le prince Oukhtomsky, se charge de la construction et de l’exploitation de la ligne ; seuls des Russes et des Chinois pourront en être actionnaires. Les autorités chinoises doivent aide et assistance, en cas de besoin, aux agens du chemin de fer ; c’est d’ailleurs aux Russes qu’est confiée la réorganisation des forces militaires chinoises dans les provinces du nord, mais, de plus, ils se réservent le droit d’installer des postes militaires partout où ils le jugeront nécessaire pour la sécurité de la voie ferrée. Pendant trente ans à partir de l’ouverture, la Russie conservera le contrôle et l’administration de la nouvelle ligne et de toutes celles qui pourraient être construites en Mandchourie ; passé ce délai, les Chinois pourront user d’un droit de rachat, mais, comme le dit un journal anglais : This provision is delightfully vague[1]. En réalité les Russes seront les maîtres de la Mandchourie, ils en absorberont tout le commerce. — D’autre part, on travaille à prolonger la courte ligne qui joint Shan-hai-kwan à Tientsin jusqu’à Pékin d’un côté, et de l’autre

  1. Engineering du 1er janvier 1897.