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QUI EXPLOITERA LA CHINE ?

Le 12 mai 1891, le tsarévitch Nicolas posait solennellement à Vladivostok la première traverse du chemin de fer transsibérien. Descendant la vallée de l’Oussouri et remontant celle de l’Amour, franchissant les montagnes qui enserrent le lac Baïkal, s’allongeant à perte de vue dans les steppes de la Sibérie occidentale, l’immense voie ferrée unira les plaines moscovites aux rives du Pacifique, la cité sainte des Tsars à la capitale du Fils du Ciel. Ce rêve grandiose sera dans quelques mois une réalité : on vient d’achever le tronçon qui unit Vladivostok à Chabarovsk sur le bas-Amour ; de là, les bateaux à vapeur conduiront voyageurs et marchandises jusqu’à Nertchinsk, point terminus de la navigation sur l’Amour ; seule la partie qui doit relier Nertchinsk au lac Baïkal reste à finir pour que l’on puisse traverser toute la Sibérie « à vapeur ». Ce premier résultat, les Russes espèrent l’atteindre vers la fin de 1898 ; ils poussent leurs travaux avec une telle ardeur qu’ils devanceront de trois ou quatre ans les prévisions les plus optimistes.

A défaut d’autres preuves, cette hâte fébrile, cette prodigieuse activité suffiraient à démontrer quels intérêts capitaux sont en jeu dans cet Extrême-Orient, où les événemens se précipitent avec une si déconcertante rapidité. Si les Russes attendent avec une impatience non dissimulée l’achèvement des derniers tronçons du Transsibérien, ce n’est pas seulement parce qu’ils ont hâte de mettre leur empire en communication avec une mer que ni les glaces, ni les détroits, ni les traités ne viendront fermer ; c’est aussi parce que l’expérience de la guerre sino-japonaise leur a appris que les événemens, là-bas, allaient plus vite que leurs