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point discutés. Ce sont, pour les personnages de M. Coolus, questions résolues, et dans le sens le plus « hardi ». Chez MM. Hervieu et Case, les maris étaient portés à croire que le mariage est un contrat qui oblige tout au moins la femme et qu’elle doit respecter ; et à cause de cela ils lui faisaient l’honneur de croire à son libre arbitre. Mais Jean et Germaine ont été nettement placés par l’auteur hors du « préjugé » du mariage. Ils se sont mariés, par ce que cela se fait encore : mais Jean, très formellement et avec réflexion, et Germaine par imitation ou parce que cela lui est commode, entendent leur union comme une union libre. — Reste donc seulement à voir si ces personnages sont vivans et si leur conduite semble humainement vraie.

Vivans, ils le sont par le fond de leur être et par les passions et les sentimens plus que par l’expression. D’abord ils parlent tous, Jean, Henri, Georges et même Germaine, en littérateurs fieffés, d’un style tout livresque ; et cela est parfois très déplaisant. Puis, ils semblent constamment préoccupés de se définir : et il paraît trop que c’est l’auteur, bon philosophe, bon psychologue, bon logicien, qui les définit lui-même, et dans sa langue, et que le dialogue n’est pour lui qu’une forme d’emprunt. — Germaine est proprement intolérable. Mais, si elle est intolérable, ce n’est pas parce qu’elle est une « enfant malade » ; c’est parce qu’elle passe tout son temps à nous le rappeler en style « écrit », de peur que nous n’en ignorions. Et de ce que Germaine est intolérable à ce point et de cette façon, il suit que l’indulgence de Jean nous devient presque inconcevable.

Car Germaine est trop sotte, en vérité ; et sa sottise n’est point telle qu’elle serait dans la nature, où elle aurait des intermittences et pourrait se sauver par quelque grâce : elle est telle qu’elle éclaterait à nos yeux si elle nous était définie, avec force et ramassement, par un moraliste plein de malveillance. Écoutez-la délirer devant Henri : « Alors, c’est ardemment, passionnément, absolument que vous m’aimez, comme il faut que l’on aime, comme je veux que l’on m’aime ?… Prenez, garde ! mon amour serait tyrannique : c’est le don de soi, sans restriction et sans réserve, que je demande, que j’exige… En ce moment, Henri, je crois à votre amour ; il est fort, il est véhément, il est capable de violence. Peu à peu il me conquiert ; il me prend ; j’en subis la contagion victorieuse, et j’éprouve une joie, une joie puissante à me sentir désirée comme je n’ai jamais été désirée. J’en suis délicieusement troublée au plus profond de moi. Ah ! comme je suis fière d’être enfin aimée ainsi, d’un amour capable de me préférer à tout au monde, même à l’honneur. Car ce que vous allez faire si je le veux, ce que