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son œuvre une sympathie pareille se dégage : il cause comme il peint, avec une expansion spirituelle et gaie sous laquelle transparaît par instans la gravité rêveuse des caractères du Nord. Fuyant toute réclame, il est trop mal connu encore à l’étranger, en Suède ; son nom est essentiellement populaire, et jamais réputation d’artiste ne parut plus joliment justifiée.

C’est dans ses aquarelles que Larsson nous paraît avoir donné l’expression la plus significative de son talent : chez lui, l’amour de la lumière et du plein air est décidément exclusif : il choisit des ensembles rayonnans, baignés de soleil, où les eaux luisent sous des ciels dégagés, où les verdures sont fleuries autour de quelque jeune femme en toilette claire. D’un crayon rapide, il indique le tableau en quelques traits précis ; puis, d’un pinceau qui effleure, il l’habille de nuances légères sous lesquelles la vie conserve sa souplesse : ses études de jardins en fleurs, ses vues de canaux, donnent une impression de transparence inimitable. Cette intensité de coloris est une grâce captivante qui se retrouve dans ses portraits et à laquelle on se laisse prendre d’autant plus volontiers qu’elle n’affaiblit en rien la réalité de son observation. Larsson a publié un grand nombre de dessins : quelques-uns sont d’une imagination qui s’abandonne à toute fantaisie ; mais la plupart prouvent une justesse et une sûreté de coup d’œil qui conservent une exactitude aux plus hâtives improvisations. — Notons, en passant, que, dans leur manie persistante de comparaison, des critiques se sont avisés d’appeler leur compatriote « le Gustave Doré de la Suède » ; le rapprochement est imprévu entre le sombre romantisme de l’illustrateur français et l’alerte facilité du peintre suédois.

Aquarelliste, peintre de motifs gracieux, de femmes et de gais paysages, Larsson semblait peu préparé à entreprendre de grandes compositions décoratives. Le goût général des Suédois l’entraîna vers ce genre et il y obtient un plein succès. Il doit exécuter une série de fresques pour le nouvel Opéra de Stockholm, et les cartons qu’il achevait cet été sont remarquables. Sa fertilité d’esprit l’a servi avec bonheur, et aussi la conception très large qu’il s’est faite du rôle de l’artiste ; il a beaucoup d’idées et il a l’entêtement de les réaliser jusqu’au bout ; il a le souci de l’achèvement, de l’exécution complète de l’œuvre par celui qui l’a conçue. Pour placer ses fresques dans le cadre le plus favorable, il devient sculpteur et complète par des reliefs les panneaux qu’il envoyait à