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donné trois interprétations successives de motifs également pris en son pays : après des essais qui font songer à Salvator Rosa par la minutie de l’exécution, il donna une série de toiles où les touches sont plus larges et les tons plus fermes, mais alourdis par la raideur de l’école allemande : il envoyait enfin au Salon de l’année dernière une Vue de Stockholm aérée, lumineuse, exacte, qui contraste heureusement avec ses ouvrages antérieurs et le bitumeux Clair de lune qui l’avoisinait.

Celui-là est un rallié de la dernière heure : les peintres de la jeune génération n’ont point connu ces hésitations et, du premier effort, ont donné des impressions réelles de Scandinavie. Kreuger a étudié chez M. Jean-Paul Laurens : à peine de retour en Suède, il donne des paysages d’hiver septentrional, une rue de faubourg endormie sous la neige, où la vie est assourdie et discrète, indiquée seulement par une ombre qui passe. Nordstrom, qui débute en France aussi, exprime avec plus de force et de précision les mélancolies de la nature du Nord : dessinateur très sûr, il a fixé les aspects pittoresques du vieux Stockholm et commenté les vers des poètes suédois dans des illustrations curieuses, où il sait concilier une fantaisie très libre et un instinctif désir de réalité précise. A côté d’eux, Flodman a traité des motifs plus rians et montre des fermes dressant leurs pignons bariolés dans les campagnes étincelantes de lumière ; Liljefors s’est attaché à rendre avec leur vivante animation les profonds sous-bois des forêts de Suède ; il a étudié les oiseaux du Nord aux fourrures neigeuses ; il a noté les allures batailleuses des renards : dédaignant tout procédé factice, il a donné des ensembles frémissant de vie : ses animaux n’ont jamais l’air de poser, se présentent naturellement dans leur milieu réel : c’est un art qui séduit par sa franchise.

Ce sont des qualités de paysagistes encore que nous remarquons chez les peintres qui, comme Salmson et mieux Forsberg, ont entrepris des compositions historiques : du second on connaît partout en France la Fin d’un héros qui fut au Salon de 1880 et dont la gravure devint vite populaire : pendant la guerre de 1870, dans une église transformée en ambulance, entre le prêtre qui l’assiste et un général qui vient de lui apporter la croix, un blessé achève de mourir : au pied du lit, la mère est abattue : entre les piliers, d’autres lits se profilent : çà et là, des officiers, des infirmiers, un enfant de chœur, un major en tablier. Aucune