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foi, continuent d’appliquer la manière apprise ; et tout succès est réservé à ces pastiches plus ou moins heureux de l’étranger. Si quelque artiste plus indépendant veut s’affranchir de l’imitation banale, on le traite de barbare qui ose violer les traditions et sa tentative s’égare au hasard des découragemens.

C’est vers le paysage que se dirigent les efforts les plus intéressans. Nous verrons quel fut le développement singulièrement brillant du paysage suédois. Jusqu’en 1830, il n’existe pas : on peut un instant, dans les premières années du siècle, le croire découvert par Fahlcrantz, qui prétend traiter des motifs choisis en son pays. Il est disciple des Hollandais jusqu’alors mal connus en Scandinavie : malheureusement, il les comprend mal. Ses premiers tableaux sont visiblement inspirés de Ruysdaël : çà et là, des lumières inhabituelles, des horizons élargis où l’on sent un sentiment naissant de la beauté propre à la nature septentrionale ; on se hâte vers les œuvres suivantes. Et c’est une désillusion grande de se trouver en présence de copies, résolument impersonnelles cette fois. Fahlcrantz n’a vu dans Ruysdaël qu’un coloriste dont il fallait essayer d’imiter l’habileté. Sa naïve admiration ne dépasse pas le procédé et méconnaît la pensée ; obstinément il transporte dans ses vues de fjords, chaque ton, chaque nuance des paysages flamands : c’est un frappant exemple d’inconscience artistique… Wickenberg, que Jules Janin définissait, avec un peu d’emphase, « un grand maître dans l’art d’être simple et vrai », comprit du moins l’enseignement que lui offrait le paysage hollandais, original parce qu’il veut être avant tout l’image de la Hollande. Quand il s’avise de reproduire les campagnes et les types de Suède, il regarde ses sujets en face, sans arrière-pensée, ni souvenir étranger, et s’efforce de mettre dans son œuvre un caractère nouveau qui corresponde à une intention nouvelle. Entre sa Côte de Hollande et ses Effets d’hiver observés en Scandinavie, les différences de lumière sont très sensibles et donnent l’impression franche d’un complet changement de pays et de climat. Le détail de l’exécution peut être imparfait : la direction vraie est indiquée. Ce qui n’empêche pas qu’autour de Wickenberg les Suédois s’attachent à copier Gros et David : les tableaux militaires, les compositions historiques, les Coriolan, les Mort d’Epaminondas, se multiplient à Stockholm. Il faut attendre 1830 et les manifestations décisives du romantisme pour rencontrer des œuvres d’un caractère vraiment original.