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des disciples viendront, qui vulgariseront la manière de leurs maîtres et peut-être en compliqueront et en affaibliront la pureté. Aujourd’hui, les hommes et les œuvres dominent encore les théories et s’offrent à nous en toute sincérité.

Nous nous sommes habitués, non sans effort, à conserver, entre les diverses littératures du Nord, la naturelle diversité des races ; il est définitivement entendu aujourd’hui que Bjornson est « Norvégien » et Strindberg « Suédois » et que ces deux désignations ont un sens très précis que ne saurait exprimer le terme obscur de « Scandinave ». Entre les développemens parallèles de l’art septentrional, il faut de même établir des distinctions et faire un choix.

Sans doute les différences sont beaucoup moins profondes ici qu’en matière de théâtre ou de poésie : les moyens d’expression du moins sont identiques, tandis qu’une variété de langues et de dialectes vient encore accentuer les oppositions littéraires qui nous peuvent apparaître dans les traductions. Les artistes de Suède, de Finlande et de Norvège sont naturellement aussi restés en dehors des dissentimens politiques qui partagent leurs patries. Vivant en colonie fraternelle leurs années d’étude, ils ont reçu des enseignemens identiques et se sont trouvés, à la même époque et pour les mêmes causes, libérés des influences de l’étranger. De là, un certain nombre de caractères communs à tous et une relative unité d’inspiration facile à retrouver dans leurs œuvres. Dans l’histoire des commencemens de l’art Scandinave, les distinctions ont été longtemps plus nettes, et c’est en Suède qu’il faut chercher les origines les plus intéressantes. C’est là que l’on peut aussi remarquer la prédominance de l’influence française : les relations constantes et très étroites qui ont existé de tout temps entre Stockholm et Paris ont exercé sur le développement de l’art suédois une action, très franchement reconnue d’ailleurs, qui fut décisive. Enfin, à un point de vue plus actuel, c’est à Stockholm que se maintient le centre de la vie artistique du Nord. Copenhague reste la ville de passage qu’elle a toujours été, capitale de la banlieue d’Europe ; à Christiania, les questions politiques et sociales ont une importance exclusive ; et Helsingfors ne présente point encore de ressources suffisantes pour conserver ses artistes et leurs œuvres. La Suède nous offre, à défaut d’un art toujours personnel et également heureux, un ensemble de productions abondantes caractérisant les diverses périodes de