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difficulté du problème, croient que ces droits ont été à Rome, en ces derniers temps, singulièrement méconnus ; de ceux qui voudraient que, là où il en est temps encore, on s’arrêtât dans cette voie. Florence avait donné un bel exemple : au temps de l’administration du syndic Peruzzi, quand elle était le siège du gouvernement italien, des quartiers nouveaux avaient été créés, une ville nouvelle s’était élevée sans que l’ancienne Florence, le joyau de la renaissance, ait été touchée. Une harmonie discrète avait présidé aux nouvelles constructions. L’exemple n’a pas été suivi, et c’est au contraire Florence qui semble menacée d’une contagion déplorable : le Marché vieux, théâtre de tant d’aventures tragiques ou plaisantes dans les récits des vieux chroniqueurs, vient de disparaître, de larges rues, de vastes et lourdes bâtisses d’un style fâcheusement moderne en occupent l’espace.

On a mené grand bruit à Rome dans les salons et dans la presse à propos de la disparition de quelques tableaux célèbres transportés et vendus à l’étranger. Leur possesseur, un grand seigneur ruiné, comme plusieurs autres, dans la fièvre de spéculation qu’avait enfantée l’espoir de voir l’antique Rome s’étendre subitement à la façon d’une ville d’Amérique, était tenu, selon cette loi draconienne à laquelle nous avons déjà fait allusion, de conserver et même de montrer au public sa riche galerie. Une telle loi, restrictive de la propriété, ne se peut justifier que par une crainte jalouse de voir dépouiller Rome de ses trésors artistiques. Encore pouvait-on objecter que, transportés ailleurs, ils subsistent et même contribuent à la gloire italienne. Les mêmes Italiens qui font preuve d’une susceptibilité si farouche quand ils redoutent que l’étranger s’enrichisse à leurs dépens, se montreront-ils donc indifférens à l’irréparable destruction des merveilleuses beautés de la ville éternelle ? Et ne voudront-ils pas enfin songer que le monde entier serait en droit de le leur reprocher ?


A. GEFFROY.