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comme il le mérite le vaste système de drainage dont on retrouve des traces à travers toute la campagne de Rome. Le sol y est transpercé quelquefois à double étage par des galeries creusées dans le tuf, ayant la hauteur et la largeur d’un homme et destinées à entraîner vers quelque abreuvoir ou vers le fleuve les eaux superficielles. Le mérite de ces vastes constructions revient certainement à ces populations italiques qui habitaient ces campagnes avant la domination romaine. On a cru remarquer que les pauvres habitans de la Sabine actuelle, ceux qu’on appelle dans Rome les ciociari, du nom qui désigne leurs chaussures, ceux qui ont conservé leur costume pittoresque et viennent s’engager aux artistes comme modèles, possèdent encore une singulière aptitude à trouver les niveaux sous terre. On a conjecturé que le bienfait de ce puissant drainage pouvait expliquer la prospérité et la nombreuse population du Latium primitif. Les Romains auraient profité longtemps de cet héritage dans les pays conquis ; ils l’auraient toutefois négligé ou mal compris et ce serait la cause de l’extension de la malaria. Qu’on nettoie aujourd’hui de nouveau ces conduits, presque aussitôt ils reprennent leur office et l’eau qui y parvient s’écoule en assainissant le sol supérieur. Il est clair que les brillantes villas éparses sur la surface de la campagne au temps de l’empire, alors que la prospérité de Rome y avait condensé une population nombreuse, étaient munies de tels appareils. Il paraît évident aussi qu’une réfection de tout ce système serait un des moyens du risanamento de l’agro romano. Mais combien d’années et de millions une pareille opération demanderait-elle ? Et puis ne suppose-t-elle pas la présence d’une population nombreuse pour l’accomplir et l’entretenir ? C’est l’éternel cercle vicieux : la campagne romaine continue d’être malsaine parce qu’elle n’est pas habitée, elle est déserte parce qu’elle est malsaine. La terrible énigme enserre Rome capitale enveloppée de vastes solitudes.

Les travaux des quais, soit qu’on dût élargir ou rectifier les rives du fleuve, ont été l’occasion de nombreuses découvertes, en même temps qu’un autre genre de fouilles se pratiquaient par les dragues creusant le lit pour enlever ce qui pouvait faire obstacle au libre cours des eaux. Le trésor artistique de Rome s’est accru, par exemple, d’un brillant joyau par la découverte d’une maison romaine située en avant de la Farnésine. Les deux rives étaient là encombrées depuis des siècles par des amas de limon sablonneux. Quelques désignations locales, sur la rive gauche, tout près