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çà et là d’inscriptions antiques, et que surmonte la façade de l’église, aux chaudes couleurs de briques, se détachant sur le ciel ? Le mont Capitolin est occupé de nos jours par le municipe romain, ce qui est de toute justice ; par les célèbres collections d’antiques dont c’est bien la place ; par cette église de l’Ara cœli, en laquelle s’est transformé le temple où, selon la légende, la sibylle apparut à Octave Auguste ; l’ambassade allemande y occupe l’ancien palais Cafarelli sur l’emplacement du temple de Jupiter. Est-ce une raison de placer à l’autre extrémité de la colline, comme pendant, un monument italien ? Combien ne sera-t-il pas singulièrement entouré, voisin du célèbre Marc-Aurèle de bronze, comparaison redoutable ! Où était la nécessité de reléguer ainsi, et de livrer aux étonnemens de l’avenir le fondateur de l’unité italienne ? Pourquoi gâter pour lui la ville dont on veut qu’il ait renouvelé l’éclat ? Le gouvernement a refusé pour l’y placer le vaste espace resté vide en face de la grande gare, en vue de la rue nationale, au centre du plus beau et du mieux réussi des quartiers nouveaux. Et le bizarre dessein s’achève, au nom de la raison d’Etat.

Les travaux accomplis pour régulariser le cours du Tibre et garnir de quais ses rives dans toute l’étendue de la ville auront coûté à l’Etat plus de cent millions. C’est une œuvre considérable : nous l’avons vu commencer, elle s’achève en moins de vingt ans. Si, par un meilleur et plus rapide écoulement des eaux, ces travaux préviennent des désastres comme ceux du XVIe siècle, comme celui de 1870 où les eaux envahirent le Corso et atteignirent sur la place de la Minerve deux fois la hauteur d’un homme, ce sera certes un bienfait et on pourrait laisser les amis du pittoresque regretter les plages infectes et splendides d’autrefois. Mais était-il nécessaire d’enfermer le fleuve entre deux murailles régulières et rapprochées, où ses eaux jaunâtres coulent tristement, sans refléter ni arbres ni verdure ? Deux ponts nouveaux sont d’une laideur haïssable, on peut espérer du moins qu’ils sont provisoires, tandis que le pont Garibaldi, tout battant neuf, restera.

Sera-ce encore le Tibre, ce fleuve que vos quais encaissent entre deux murs uniformes et qui a perdu soit ses plages alternant avec les maisons baignant dans ses eaux, soit son ouverture en aval sur tant de débris subsistans de l’ancienne Rome ? C’était le double spectacle qui s’offrait du pont Sixte par exemple à qui se rendait de la rive gauche vers le Janicule. A sa droite, la belle courbe du fleuve reflétait le splendide bois de lauriers de la