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Canovas comme homme d’État venait certainement pour une part de ce qu’il avait le courage d’aborder les questions les plus ardues de la philosophie et de l’histoire ; sa supériorité comme historien, de ce qu’il s’interrogeait, avec l’expérience du pouvoir : — dans cette conjoncture, qu’eût-il fait ? — sa supériorité comme philosophe, de ce qu’il examinait la valeur d’une idée, en ministre qui serait contraint de l’appliquer.

L’histoire, en général, étant l’école de la politique, — et l’histoire d’Espagne, tout spécialement, étant pour lui d’une utilité plus directe, — a toujours eu ses prédilections. Lui-même nous avoue qu’il était encore sur les bancs, lorsqu’il s’attaqua à une œuvre de grandes proportions, qui ne devait pas être moins que l’Histoire de la décadence de l’Espagne, et qui, quand il la relut plus tard, ne lui parut plus qu’une défectueuse suite à l’histoire du Père Mariana, témérairement entreprise, de seconde ou troisième main, et criblée de grosses erreurs. Cet essai de jeunesse avait servi de base à l’Esquisse historique de la maison d’Autriche en Espagne, qui n’était, à l’origine qu’un article de Dictionnaire, et où M. Canovas s’accusait d’avoir fait passer les erreurs qui déconsidéraient à ses yeux son premier travail. De cette étude aussi il était mécontent ; le titre même ne le satisfaisait pas ; il hésitait, lui qui hésitait rarement, entre Esquisse, Sommaire, ou Jugement critique. C’était un jugement critique ; mais, exigeant envers lui-même et plus exigeant à mesure qu’il s’élevait, M. Canovas en était arrivé à se persuader que le jugement manquait de motifs parce que la critique manquait d’élémens. De méchantes langues ne se privaient pas de faire entendre que ce jugement critique semblait à l’historien homme d’Etat moins bien fondé surtout depuis que le roi don Alphonse XII avait épousé une archiduchesse d’Autriche. Ce qui est sûr, c’est que M. Canovas promettait, en 1888, de reprendre et de développer ce livre qui était devenu introuvable. Mais d’autres soins l’en ont probablement distrait.

La principale des œuvres historiques de M. Canovas del Castillo reste donc ses Études sur le règne de Philippe IV qui, dans le fond, ne sont, avec l’Histoire de la décadence de l’Espagne et l’Esquisse de la maison d’Autriche, qu’un seul et même dessein. M. Canovas y pose des assises plus résistantes pour un monument plus durable. Outre les documens sur lesquels elles s’appuient (c’est, ici, de l’histoire critique) elles se composent de trois