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le principe qu’un territoire chrétien ne pouvait pas retomber sous le joug ottoman, et elle ne consentait à accorder à la Porte qu’une simple rectification de frontière pour la mettre à l’abri des incursions de la Grèce, si par hasard cet infortuné pays obéissait une fois de plus aux tentations auxquelles il venait de succomber. Le sultan a usé alors de sa tactique ordinaire : il a tâté successivement tous les cabinets, tous les gouvernemens, tous les souverains, pour voir s’il ne trouverait pas quelque part un point faible et branlant. Il a cru un jour, d’après une réponse du gouvernement allemand mal comprise, qu’il rencontrerait peut-être de ce côté, bien que sous une forme très discrète, l’encouragement qu’il cherchait : l’empereur Guillaume ne lui a heureusement pas permis de persister longtemps dans cette erreur. Toutes les puissances ont été unanimes à maintenir la frontière qu’elles avaient fixée, et tout au plus ont-elles consenti, pour ménager l’amour-propre du sultan, à lui attribuer le long de cette ligne un certain nombre de villages sans importance, sous prétexte que la population y était koutzo-valaque. C’est alors que la paix a paru faite et que les agences de publicité l’ont annoncée. Mais c’est aussi cette fois qu’on avait compté sans l’empereur d’Allemagne qui, par un brusque mouvement tournant, après avoir posé avec tant de fermeté le principe de l’évacuation de la Thessalie, en a ajourné provisoirement l’exécution.

La question soulevée par lui était d’ordre purement financier. Il était d’ailleurs facile de prévoir qu’elle serait posée un jour ou l’autre, et si les chancelleries ne s’en étaient pas doutées, c’est qu’elles auraient négligé de lire les journaux. Depuis longtemps déjà, on se préoccupait publiquement de la difficulté où serait la Grèce pour contracter un nouvel emprunt, et encore plus, au moins dans quelques pays, de la situation qui serait faite à ses créanciers antérieurs, déjà si rudement éprouvés, dans le cas où leur créance viendrait à se confondre avec celle qui allait par surcroît peser sur elle. A Berlin surtout cette seconde préoccupation était et devait être prédominante, parce que la plus grande partie de l’ancienne dette hellénique était entre des mains allemandes. L’empereur Guillaume s’en est inspiré : il a demandé que des garanties fussent données aux créanciers de la Grèce, et plus spécialement à ses créanciers actuels, sous une forme que nous ne connaissons pas très bien et qui n’a peut-être pas été définitivement arrêtée, mais qui consistait surtout, dit-on, dans l’organisation d’un contrôle financier. La Grèce proteste naturellement contre tout contrôle étranger ; elle ne l’acceptera qu’à la dernière extrémité ; toutefois la question posée par l’empereur Guillaume était trop légitime, au moins dans