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avidité, misère. Les Jacobins d’Italie ne sont point, comme ceux de France, des gens d’autorité. Ils sont insoumis, ingouvernables, incapables de gouverner, conspirateurs dans l’âme. Ils n’ont des Jacobins français que la passion du pouvoir et de la conquête. Ils se poussent à toutes les places dans leur patrie ; ils poussent leur patrie à envahir par toutes ses frontières. L’appétit de ces républicains aux dents de loup, aiguës et blanches, alarme le Directoire. Ces républiques décharnées, faméliques, ne semblent nées que pour s’entre-dévorer. La révolution a réveillé les vieilles rivalités des cités, et, dans les cités, les anciennes rivalités des familles. Tout est faction : à Milan, à Rome, à Gènes ; mais partout le parti qui commande est incompatible avec la suprématie de la France. Ce parti, à mesure qu’il s’élève et devient populaire, devient de plus en plus antifrançais, et la France ne peut gouverner ni avec les paysans, très catholiques et ennemis nés de l’invasion, ni avec les modérés, minorité infime, impuissante, hostile, par son caractère même, au Directoire.

Cependant au-dessus des factions locales, il s’en forme une nouvelle, celle de l’Italie unie. Le Directoire la redoute et la combat plus que toutes les autres. Les autres le servent en divisant les républiques ; celle-là le contrarie, en menaçant de réunir les cités et les peuples. Par le même déguisement de mots qui transforme en « patriotes », les partisans de la France, on flétrit du nom d’ « opposans » ces partisans de l’Italie. « De cette époque, écrit un Français, date la naissance du parti de l’opposition connu sous le nom de parti italien. » Unitaires, anarchistes, dans le langage du Directoire deviennent synonymes. « Je dois, écrit La Revellière, dire ce que c’était que ces unitaires. C’était ceux qui voulaient qu’on détruisît tous les gouvernemens qui subsistaient en Italie, pour ne faire de ce grand et beau pays qu’une seule nation, régie par un seul gouvernement fédéral ; projet digne assurément d’un vrai patriote italien... Il était bon sans doute que l’Italie entière fût républicanisée... Mais était-il de l’intérêt de la France qu’elle ne formât qu’une seule république ?... » Créer des républiques populaires en Italie et empêcher le peuple italien de se républicaniser ; prêcher à ce peuple la révolution à la manière française, et lui interdire la devise d’honneur de la république française : « une et indivisible » ; oublier que la France avait supprimé les provinces, et que le parti qui gouvernait la France n’était arrivé au pouvoir qu’en exterminant les fédéralistes, les