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Elle avait lieu quatre fois, à des intervalles à peu près réguliers, dans chacune de ces périodes d’environ trente-cinq jours qu’on appelait des prytanies, et qui formaient, au nombre de dix, les grandes divisions de l’année administrative. En dehors de ces assemblées ordinaires, prévues par la loi, il faut tenir compte des assemblées extraordinaires, convoquées hâtivement dans les circonstances graves. Les réunions populaires étaient donc, en somme, assez fréquentes à Athènes ; chacune d’elles n’en était pas moins un petit événement, et l’on comprend que la littérature s’en soit emparée pour tracer quelques-uns de ces tableaux de mœurs où excelle le génie réaliste des Athéniens. Aristophane, dans trois de ses pièces, en a fait d’amusantes parodies ; la tragédie elle-même, en apparence si indifférente aux choses contemporaines, en a tiré plus d’un développement, et Euripide notamment, sous couleur de décrire, dans son Oreste, une séance de l’assemblée d’Argos aux temps héroïques, reproduit fidèlement la physionomie d’une séance de l’assemblée athénienne, avec toutes les violences qui s’y donnaient carrière. Grâce à ces renseignemens et à quelques autres, nous pouvons nous représenter assez exactement ce qui s’y passait. Voici quels étaient les préliminaires, tout au moins, d’une assemblée ordinaire.

L’ordre du jour, affiché à l’avance, avait fait savoir aux citoyens sur quelles questions ils devaient être consultés. Au jour fixé, de grand matin, un signal hissé sur quelque édifice annonçait que la séance allait commencer ; mais on tardait à s’y rendre : les gens de la campagne, partis de leur village avant l’aube, et qui étaient venus à la ville moins pour délibérer sur les affaires de l’Etat que pour vendre les produits de leur domaine ou pour acheter les objets nécessaires à leurs travaux, les citadins eux-mêmes, l’esprit occupé d’intérêts personnels, de marchés à conclure, de créances à recouvrer, mettaient peu d’empressement à se porter vers le lieu où l’assemblée avait coutume de se tenir ; et c’était, pendant des heures, sur l’agora, un fourmillement et un bourdonnement de peuple dont peut donner une idée l’animation qui règne, à de certains jours, dans les bazars les plus fréquentés de l’Orient. Il fallait, pour rappeler tout ce monde au devoir civique que la police intervînt ; des archers, de ceux qui avaient pour fonction spéciale de veiller au maintien de l’ordre, tendaient une corde frottée de vermillon et rabattaient du côté de l’assemblée les retardataires, qui fuyaient, affolés, devant cette barrière mobile, car ils savaient