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À ce point de vue, l’envoi au Pape par l’empereur Guillaume Ier d’une simple mitre, — si ornée qu’elle fût, — était un fait assez piquant, puisqu’il semblait être une réponse à l’idée mise en avant par Mgr Galimberti que l’empereur pourrait offrir à Sa Sainteté, à l’occasion du Jubilé, un Triregno, c’est-à-dire une tiare. Après avoir appris que la tiare est le symbole du triple pouvoir appartenant au vicaire de Jésus-Christ dans les affaires cœlestium, terrestrium et infernorum, le prince de Bismarck avait fait en se jouant quelques réserves quant aux terrestria. Finalement, la tiare ambitionnée par Mgr Galimberti ne vint pas de Berlin. Le Pape devait cependant en recevoir une, mais de France, et ce furent les catholiques du diocèse de Paris qui l’offrirent. Néanmoins, le ton affectueux qui distinguait la lettre impériale jointe à la mitre causa une grande joie au Palais apostolique, et le cardinal Rampolla, qui venait d’être appelé à la charge de secrétaire d’Etat de Sa Sainteté, éprouva la plus vive satisfaction du nouvel acte de l’empereur allemand vis-à-vis du Saint-Père.

Aujourd’hui, l’Eglise catholique jouit en Allemagne d’une paix profonde, libre dans ses enseignemens, dégagée de toutes les entraves qu’elle avait été si sérieusement menacée de subir, il y a vingt-cinq ans, et à l’abri des querelles intestines qui divisent, dans des conditions de plus en plus graves, la communion protestante dans l’Empire évangélique. Sans aucun doute, le Centre, l’important parti parlementaire qui a soutenu la lutte contre les prétentions aveugles de l’Etat dans les Chambres prussiennes et au Reichstag, de 1873 à 1886, a beaucoup contribué à l’œuvre de salut dont bénéficient, à l’heure présente, les évêques et les fidèles demeurés au jour du danger fermes dans leur foi comme dans leur obéissance au Saint-Siège. Mais si on se reporte par la pensée à tous les événemens qui se sont déroulés depuis le jour où Pie IX n’a pas craint de tenir tête avec une indomptable énergie à l’hégémonie prussienne triomphante, jusqu’au moment où Léon XIII a pu se flatter d’avoir achevé l’œuvre de réparation qu’il avait entreprise dès le lendemain de son élection, on conclura que la politique du Saint-Siège à l’endroit de l’Allemagne fut tout à la fois propice aux droits de la liberté religieuse et aux intérêts de la paix religieuse.


ED. LEFEBVRE DE BEHAINE.