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Le prince de Bismarck se promettait, il est vrai, de saisir toute occasion de témoigner au Pape sa vive reconnaissance, mais cela dans la mesure que permettrait l’accomplissement de ses devoirs envers son maître et envers sa patrie. Or, c’est précisément en invoquant ces devoirs que les hommes d’Etat de l’Empire évangélique qui s’était substitué, depuis 1870, à l’ancien Saint-Empire, avaient créé, de 1872 à 1875, la législation religieuse dont le Saint-Siège sollicitait en vain, depuis huit ans, la révision. Il n’était pas probable que la manière de comprendre ces devoirs pût changer du tout au tout, comme on l’aurait désiré au Palais apostolique.

Cependant Léon XIII demeurait satisfait de son rôle de médiateur : il avait été flatté aussi, dans sa sollicitude paternelle pour l’Espagne, par les paroles bienveillantes du prince de Bismarck sur les conditions réciproques de deux pays que ne séparaient pas les rancunes résultant de leur passé ou les rivalités inhérentes à leur situation géographique. ¬¬¬

III

Le succès qu’avait eu la médiation du Pape n’était pas sans inquiéter, au début de l’année 1886, les défenseurs des intérêts catholiques, dans le Landtag et le Reichstag. Par une lettre, en date du 6 janvier, Léon XIII crut devoir rassurer les prélats prussiens, en leur faisant connaître ses sentimens sur les conditions dans lesquelles devait être rétabli, entre l’État et l’Église, le bon accord susceptible de mettre fin à la situation douloureuse créée par les lois de Mai.

L’Encyclique Jampridem avait été calculée en vue de dissiper les alarmes qu’avait pu causer l’écho des paroles flatteuses que venaient d’échanger le Saint-Père et le prince de Bismarck. Léon XIII y louait l’attitude de résistance des catholiques allemands à l’état de choses résultant des Maigesetze. Comme Pie IX, il n’avait cessé de déplorer la cruelle situation ainsi faite à l’Eglise d’Allemagne. Au milieu de cette crise, les catholiques avaient su demeurer fidèles aux devoirs de leur religion et de leur foi, sans manquer au patriotisme ni à la soumission à leur souverain, se préoccupant non point des intérêts politiques, mais des intérêts de la religion et de la liberté de leur foi ; et cela malgré la diminution du nombre des prêtres, malgré les tentatives du schisme vieux catholique. Il était du devoir de l’autorité pontificale suprême