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figurassent, suivant le désir du prince de Bismarck, dans le texte de la proposition pontificale. On comprit de même fort bien que le chancelier de l’Empire allemand aurait attaché beaucoup de prix à voir la signature du cardinal secrétaire d’Etat figurer à côté de celles de M. de Schlœzer et du marquis de Molins au bas des arrangemens de détail conclus entre les deux cours intéressées.

Chose singulière ; à Madrid, on aurait été enclin, disait-on, à céder sur ce point aux instances du prince de Bismarck. Le Pape avait résisté, se bornant à affirmer purement et simplement la souveraineté de l’Espagne sur les îles Carolines et Palaos. Les Espagnols devaient savoir gré à Léon XIII de n’avoir pas voulu assumer la responsabilité des combinaisons minutieuses au moyen desquelles l’Allemagne avait su se faire concéder de très grands avantages en échange de la reconnaissance de la priorité de l’occupation espagnole des îles Carolines et Palaos et de la souveraineté qui en résultait pour S. M. Catholique. Aussi arriva-t-il à un diplomate prussien de dire à cette occasion : « Messieurs les hidalgos seront satisfaits dans leur orgueil, mais nous avons obtenu tout ce que nous désirions. »

Le prince de Bismarck fut du reste honoré dans cette circonstance d’une faveur signalée, puisque Léon XIII, en même temps qu’il faisait envoyer à l’Excelso viro Magno Cancellario l’ordre du Christ, lui adressa, le 31 décembre 188a, une lettre des plus flatteuses pour le remercier d’avoir, en recourant à sa médiation, rendu hommage au pontificat romain. ¬¬¬

II

Que devait rapporter au chef suprême de l’Eglise l’hommage solennel qu’il avait cru devoir ainsi rendre à la prépotence de l’homme qui personnifiait, quoiqu’il crût devoir quelquefois s’en défendre, le système de l’hostilité à la religion romaine, auquel on donne encore aujourd’hui le nom de Culturkampf ?

Léon XIII, dans cette circonstance, n’avait pas seulement oublié les griefs du Saint-Siège contre la Prusse ; il s’était exposé à froisser bien des cœurs dans les divers pays qui, durant les vingt années précédentes, avaient eu, pour leur malheur, à payer les frais de la fondation de l’unité germanique. Quant à l’Espagne, dont le silence n’était pas sans inquiéter l’esprit prudent et attentif du cardinal Jacobini, on pouvait se demander si son orgueil, ménagé