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théoriques, tant de dissertations et tant de préfaces, tant de manifestes accumulés sur tant de programmes, et tant de gloses entassées sur tant de commentaires. Le pédantisme de ces querelles d’écoles ne les rebute pas. Par là encore, on arriverait peut-être à expliquer la production de leurs recueils de vers, phénomène (qui est resté incompréhensible tant qu’on a voulu, contre toute évidence, y trouver des essais pour traduire certaines idées ou certaines sensations. Mais il ne fallait s’attacher qu’à la forme. Ce n’étaient que des cadres, des figures comparables à celles de la géométrie, des combinaisons de signes comparables à ceux de l’algèbre, des schémas de versification. On s’obstinait à découvrir une interprétation d’ailleurs mystérieuse de la Nature, dans des vers d’où l’auteur s’était uniquement soucié d’éliminer la tonique médiane. On s’efforçait à démêler la trame d’impressions complexes et fugitives, alors que l’écrivain s’était prêté seulement au jeu des allitérations. Quelle injustice de demander compte du sens des mots à qui n’a voulu que mesurer des syllabes ! A défaut d’une pléiade de poètes, nous avons une escouade de métriciens. Ils se proposent de rénover le vers français, — et ils y peinent. Nous ne sommes pas de ceux qui raillent leurs efforts. Nous croyons au contraire que leur laborieuse entreprise est légitime dans son principe et qu’elle peut aboutir à quelques résultats. Il est fréquent en effet que les réformes en art se fassent par l’extérieur : on modifie le décor et le costume avant d’arriver jusqu’à l’âme elle-même. Ajoutez qu’en poésie, la technique a une importance considérable. Et quand ils disent que cette technique n’est pas immuable, mais qu’elle subit au contraire un mouvement de continuelle transformation, il faut bien avouer que les novateurs ont raison.

Car nous nous demandons en vain comment on s’y prendrait pour découvrir dans les lois de la versification le caractère de l’absolu, et sur quel principe on se fonderait pour déclarer que le vers doit s’arrêter à un moment précis de son développement. Becq de Fouquières, dans son traité d’une complication si ingénieuse et si inutile, invoque tout à la fois la capacité de la poitrine humaine et le cours des astres. Pour lui, le principe générateur de la versification… consiste dans une équation physiologique entre la longueur de l’acte expiratoire et la durée des douze sons théoriques perçus par l’oreille. » Aussi bien la physiologie ne lui sert que de point de départ pour s’élever à des considérations plus transcendantes ; et il n’y a pas besoin de beaucoup le pousser pour lui faire dire que l’alexandrin est d’institution divine. « Sa longueur n’a point été déterminée par le caprice