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de la protection et dans une certaine mesure dépendent de nos cliens du dehors, car elles ont besoin d’exporter leurs farines, leurs troupeaux pour relever les cours des blés et du bétail, comme elles ont besoin de la prospérité de l’industrie, grande consommatrice.

La concurrence nous gagne comme la marée monte ; si nous essayons de l’arrêter maladroitement, elle nous isole ; nos rivaux accourent avec un outillage neuf s’installer chez nous à l’abri de nos droits de douane et réduire nos profits en miettes ou à néant ; nos marchés à l’étranger se ferment, et bon nombre de nos producteurs, déconcertés par cette double surprise, vont s’y établir, ne pouvant plus y envoyer leurs produits ni les vendre sur place. Si nous ouvrons au contraire nos portes à la concurrence, elle nous inonde. L’expérience a été faite dans les deux sens et on ne peut soutenir aujourd’hui que tel ou tel régime économique soit la principale cause de nos maux, car vous entendez l’industrie si importante du coton se plaindre avec une égale violence en France où elle est très protégée, en Angleterre où elle ne l’est pas. En Angleterre elle peut prouver qu’elle souffre du libre-échange comme on déclare en France qu’après une reprise factice elle périra sous la protection. Nous connaissons les craintes de Manchester ; à Rouen, — des adjudications publiques en font foi. — le prix des cotonnades s’avilit : on voit poindre des réductions de salaires, le travail s’arrête plusieurs jours par semaine ; la façon de douze chemises d’hommes tombe à 35 sous, 14 à 15 centimes la chemise. La confection, la lingerie se plaignent. Dans les Vosges la crise est pire qu’à Rouen où l’industrie repose sur des assises presque indestructibles d’épargne.

Roubaix, jusqu’ici vaillante au point qu’on lui reprochait d’être dure et qu’on disait d’elle : c’est une colonie américaine, traverse une crise de découragement. Les causes de sa mauvaise humeur sont multiples. Elle souffre de l’instabilité de notre régime économique qui paralyse les opérations de longue haleine ; mais elle n’en donne pas moins l’exemple le plus réconfortant des ressources de notre activité ; elle a distancé toutes ses rivales françaises, tuant celles du midi, dépassant celles du nord, Reims, Sedan, Elbeuf, Cambrai. Ne traînant pas derrière elle l’amortissement d’un outillage démodé, elle a pu non se transformer, mais se créer. Elle a bénéficié de sa jeunesse comme ont fait nos