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inédites. Quelle somme de travail ! Quelle précieuse et quelle ample moisson !


VI

M. Bertone et ses compagnons ne se donnaient pas de repos et n’avaient guère de distractions. Mais plus ils étaient absorbés par la tâche qu’ils voulaient accomplir et plus les moindres incidens qui se produisaient autour d’eux prenaient d’importance. Cependant, c’était peu de chose. Lorsqu’ils allaient travailler loin de la maison, ils emportaient leur nourriture et, à l’heure du repas, ils entraient dans un tombeau. Ils y allumaient du feu et y faisaient cuire quelque morceau de chameau ou de chèvre. Or un jour, occupés qu’ils étaient de ces soins, ils furent visités par un serpent de la pire espèce, qui, après avoir tâté de ce qui était à sa convenance, se retira les laissant tout émus. Un autre jour, au moment où ils s’approchaient d’un trou d’ombre, un loup en sortit et s’enfuit en hurlant. Une autre fois, ils furent distraits de l’étude d’une ruine par l’irruption d’une femme arabe dont la tente était proche, et qui, en les accablant d’injures, commençait à les lapider. Un soldat dut intervenir. Le jardin du cheik, à l’extrémité de l’oasis, avait aussi la visite des explorateurs. Il était planté de palmiers, de grenadiers et de figuiers. Mais les deux sources qui venaient s’y perdre ne l’empêchaient pas d’être brûlé par le soleil. Les arbres se chargeaient de fruits, bientôt desséchés. On n’y découvrait rien. Des moutons y vivaient paisibles, oubliant les chacals et les loups qui souvent franchissaient l’enclos.

Au milieu des ruines, la vie naturelle s’exerce avec toute son énergie. Là où la végétation est possible, elle monte sur les débris. les recouvre et les pare avec un art imprévu. Les aigles et les milans tournoient dans le ciel et s’abattent sur des vols de ramiers et de perdrix réfugiés à l’abri des grands murs. Depuis les serpens chasseurs que les toucas dévorent, jusqu’à l’insecte qui boit le sang et qu’on écrase, chaque animal y fait sa proie et y accomplit son sort. L’homme y retourne à ses instincts.

En sortant de la ville du côté de l’orient et en remontant un peu, on entre dans le domaine des bêtes féroces. A cet endroit le pays est un territoire de chasse ; c’est là, sans doute, qu’Odeynath et que Zénobie s’étaient endurcis à la fatigue et rendus indifférens au danger. Dans les replis des collines, les léopards