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surnaturel. Entourée de ses fils et de ses généraux, accompagnée des sénateurs et des chevaliers, suivie de ses lettrés enveloppés du petit manteau hellénique, elle s’avance ; des gardes, couverts d’armures de cuivre et d’acier, lui ouvrent un passage. Elle monte les degrés, et sur le seuil du sanctuaire, avant qu’elle se prosterne devant le maître du ciel, les prêtres lui rendent le culte qu’elle vient rendre au Dieu.


V

Je n’ai pas la prétention de faire de Palmyre une restitution écrite : les mots sont insuffisans pour rendre les idées plastiques. Il faut attendre l’exposition des dessins et la publication de l’ouvrage que M. E. Bertone ne peut manquer de faire : monographie complète d’une ville frappée de mort à l’apogée de sa prospérité et qui sous ce rapport n’est pas sans analogie avec Pompéi. Elle présente, au point de vue de l’art hellénistique, un intérêt de premier ordre. Ce qu’il en reste suffit pour attester la puissance et le goût d’un temps que nous ne connaissions que par des documens imparfaits. Elle est en ruines ; mais le sol a conservé la trace de ses dispositions essentielles. D’après ce que j’ai essayé de faire comprendre, Palmyre a été bâtie sur le plan des villes gréco-asiatiques fondées par Alexandre et par ses successeurs. Le portique qui la traverse fait songer aux constructions semblables qui existaient à Alexandrie et à Antioche. Chose très particulière, elle avait un quartier royal, comme les capitales des États monarchiques. Ses édifices, de proportions très vastes, avaient peut-être devancé l’apparition des grands monumens romains.

Dans le domaine de l’architecture classique, on croit pouvoir reconnaître la décadence de l’art à différens signes. On la constate, par exemple, lorsque la multiplicité des ornemens, en chargeant certains membres des ordonnances, semble en étouffer les formes et en effacer le rôle ; cette complication engendre la monotonie en faisant disparaître les repos qui doivent exister entre les parties ornées. C’est aussi un indice, lorsque, pour obtenir plus d’effet, on arrondit les frises, on attache des demi-colonnes à des pilastres, on interrompt les lignes verticales des colonnes par des consoles destinées à porter des statues et des bustes. Tout cela est assez barbare en Occident et y date en effet d’un moment où l’art s’abaissait : et tout cela, ou peu s’en faut, se trouve à