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conducteurs : chose délicate dans un pays où, malgré la plus grande application à choisir, il n’est que trop facile de se tromper.

La petite caravane se mit en marche. Elle se composait, en comptant nos voyageurs, d’une vingtaine de personnes : soldats, chameliers et serviteurs. Ces hommes conduisaient ou escortaient 8 chameaux dont 5 exclusivement affectés à porter les échelles, les pièces de bois, les planchers et les cordages. Sur les autres, on avait réparti des outres qui devaient contenir 45 litres d’eau chacune, puis des caisses renfermant des provisions. De plus, il y avait 12 chevaux, 4 pour les soldats, 4 destinés à traîner une voiture et 4 chargés des instrumens d’arpentage et de photographie. On emportait aussi quelques armes et des munitions, du papier en abondance, et une petite pharmacie de campagne venant de l’Académie.

Tous les voyages dans le désert se ressemblent. Les heures de marche s’estiment à la montre et au sablier. On s’arrête au coucher du soleil ; on dresse les tentes, on allume le feu, on prend son repas, on monte la garde. A minuit, on repart pour se reposer au milieu du jour. La route que l’on suit de Damas pour aller à Palmyre n’est ni celle que la table de Peutinger indique, ni celle de l’itinéraire d’Antonin. Elle est plus directe et jalonnée, à grands intervalles, par des ruines presque ensevelies sous le sable. Les unes sont antiques, les autres appartiennent au moyen âge ; on ne les a jamais bien reconnues. Mais il y a les stations où l’on s’arrête et dont deux sont très sûrement identifiées à des postes antiques : c’est Djéroud, l’ancienne Géroda, où réside aujourd’hui l’aga Mohammed, le surveillant du désert ; et c’est Quariétain, autrefois Nezala, un ancien camp romain où il y a un puits. Ensuite viennent Kassel-Her avec sa tour, et Aïn-Buïda dont le nom indique une source. A partir de là il n’y a plus d’eau jusqu’à Palmyre.

Le désert aussi a été souvent décrit. Mais quand on a une responsabilité sérieuse et qu’on est possédé d’une idée, on n’est pas toujours disposé à goûter le pittoresque. Cela ne vient que plus tard, quand l’esprit s’est calmé. Maintenant il faut marcher. La chaleur est forte et on apprend à la connaître. Et puis il y a les incidens inévitables : les chameaux qui refusent d’avancer, que l’on décharge et dont il faut augmenter le nombre ; les outres où il devait y avoir de l’eau et qu’on trouve vides ; les hommes qui craignent tout à coup d’aller plus loin, parce que les tribus sont