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trésors et ses femmes. A deux reprises, il le poursuivit jusqu’à Ctésiphon, sa capitale, dont on croit même qu’il s’empara. Zénobie, non moins intrépide que son mari, l’accompagnait dans ses chasses et prenait part à ses actions de guerre. Dans un temps où tout le monde se croyait digne d’être empereur, il n’eut point la tentation de le devenir et resta un allié fidèle. Gallien l’en récompensa en lui confiant le commandement de toutes les armées romaines d’Orient et finit par lui décerner les titres d’empereur et d’Auguste. Odeynath les partagea avec Zénobie et avec son fils Hérode, qu’il avait eu d’un premier mariage. Il était donc régulièrement investi des dignités suprêmes et ce serait une erreur de Trébellius Pollion de l’avoir mis au nombre des Trente tyrans. Les historiens qu’on peut appeler contemporains nous font bien connaître ce prince : sa gloire repose sur des faits incontestés. Mais si nous consultions les chroniques postérieures, celles de Georges le Syncelle, de Malaba et de Philostrate le jeune, nous y trouverions sur lui des légendes qui touchent à la fable. Si intéressantes qu’elles soient, nous devons les écarter d’un récit rapide.

Bientôt Odeynath périt assassiné et Hérode avec lui. Le meurtre était si habituel dans les familles princières, que Zénobie fut accusée, mais sans preuve, d’avoir trempé dans la conspiration qui mit fin aux jours de son mari. Cependant, aussitôt qu’il fut mort, elle prétendit lui succéder et se mit à gouverner sous le nom de son fils aîné Whaballath. Pour cela, elle s’autorisait des titres d’impératrice et d’Auguste qui jusque-là ne lui avaient pas été contestés. Gallien, ne l’ayant point reconnue en ces qualités, envoya contre elle une armée qu’elle défit ; et pendant le règne de Claude II, tout occupé à la guerre contre les Goths, elle resta, sans être inquiétée, maîtresse de son royaume. En vain, dans leurs acclamations, les sénateurs de Rome adjuraient-ils l’empereur de les délivrer des Palmyréniens, de Zénobie et d’une autre usurpatrice nommée Victoire, qui battait monnaie dans les Gaules. Loin d’être attaquée, elle put ajouter à ses possessions l’Egypte et une partie de l’Asie Mineure. Elle se montre donc à nous comme la fondatrice d’un royaume qui, d’une part, confinait à la Perse, et, de l’autre, embrassait les pays qui bordent l’extrémité orientale de la Méditerranée. Palmyre était la capitale de ce nouvel État et les richesses y abondaient.

Dans son personnage de reine de l’Orient, Zénobie déployait un