Page:Revue des Deux Mondes - 1897 - tome 142.djvu/339

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

quelle mesure, comment appliquera-t-on les réformes à Cuba, et qui les appliquera ? Aux Philippines particulièrement, tâchera-t-on d’introduire des réformes, et lesquelles ? Jusqu’à quel point le maréchal Primo de Rivera partage-t-il l’opinion du général Polavieja sur l’avantage qu’il y aurait à séparer les Philippines en deux capitaines et deux gouvernemens généraux, avec deux capitales, l’une à Manille, l’autre dans le Visayas, à remanier les circonscriptions provinciales, à déplacer quelques chefs-lieux, à instituer surtout, dans l’archipel même, un conseil supérieur qui ferait là-bas ce qu’auparavant on prétendait faire de Madrid ? Comme Polavieja le demandait encore, révisera-t-on le code pénal et la loi municipale ; supprimera-t-on les juges de paix indigènes ; modifiera-t-on l’impôt des cédules en élevant la cote des riches et en abaissant celle des pauvres ; augmentera-t-on la paye fixe des gouverneurs en leur enlevant le tant pour cent qu’ils touchent sur la perception des impôts ?

Ce sont, après tout, des détails. Dans l’ensemble, la conclusion du général Polavieja était : « L’administration ne doit pas être uniforme, mais, au contraire, variée suivant l’état des provinces ; il serait bon d’ajuster la législation à la manière d’être de la race pour laquelle on fait des lois, en s’inspirant toujours des coutumes des Indes, las leyes de Indias, unique fondement rationnel de tout gouvernement aux Philippines. » Et c’est, sous une autre forme, ce que d’autre part — et d’un autre parti — on nous avait dit : « La qualité essentielle d’un gouvernement étant de répondre à l’état social et mental du peuple pour qui il est fait, le gouvernement qui conviendrait aux Philippines serait celui dont les élémens seraient combinés et dosés d’après le caractère, l’intelligence et le degré d’éducation des indigènes. »

Des trois politiques qu’on peut concevoir : le statu quo, la marche en avant, et la réaction, la première est impraticable, et l’insurrection le prouve ; la seconde est chimérique, étant donné l’état social et mental de la race qui habite l’archipel ; la troisième seule est possible ; celle qui consiste à laisser à ce peuple encore enfant, des institutions à sa taille, à ne pas vouloir l’affubler des formes de l’Occident moderne, dans lesquelles il s’empêtre et trébuche[1]. C’est cette troisième politique qui est le plus

  1. Voyez la série d’articles de don Joaquin Maldonado Macanaz, et, dans El Epoca du 30 octobre 1896, une lettre du directeur du Diario de Manita, don Manuel Maria ltincôn. — Voyez aussi les brochures Folletos filipinos, de don Wenceslao E. Retana, ainsi qu’un petit écrit de don Vicente Belloc y Sanchez : Los Misioneros en Filipinas, sus relaciones con la civilizacion y dominacion española, Madrid, 1895.